Bretagne – 2022

Une occasion festive en Bretagne nous sert de prétexte à parcourir un nouveau tronçon du GR34, sentier des douaniers, de Beauvoir à Saint-Malo. Cinq jours de randonnée, principalement le long de la Baie du Mont-Saint-Michel.
Mont Saint Michel

Beauvoir sert essentiellement de lieu d'accès au Mont-Saint-Michel et, malgré son nom, ne mériterait sinon aucun détour. Y dormir permet cependant d'accéder à l'Abbaye de la célèbre île avant le déversement des flots de touristes qui visitent la Haute-Bretagne et cet audacieux édifice, conçu pour abriter les bâtiments abbatiaux sur une surface réduite et escarpée. Les architectes ne sont pas parvenus à ériger cet ensemble du premier coup, mais la ténacité des constructeurs a permis d'allier somptuosité et harmonie, notamment pour le cloître et le réfectoire.
Les historiens d'art estiment que la pérennité du lieu a été assurée grâce à sa transformation en prison à la suite de la Révolution. Cet usage a cependant gravement endommagé l'ensemble.

La première étape…

…permet de quitter la Normandie vers la Bretagne. Difficile d'imaginer plus plate : les seuls dénivelés nous font accéder aux digues qui ont permis petit-à-petit de gagner des surfaces sur la mer. L’accroissement des terres arables est un phénomène complexe; de fait l’extension est à la base un processus naturel qui a été consolidé par l’homme. Les marées descendantes étant plus faibles que les flux montants les matières limoneuses se sont accumulées et ont permis la colonisation de plantes capables de prospérer en milieu salin. Lorsque ces terrains ont été stabilisés, les riverains ont décidé de les protéger par des digues.
polder saint-michel

Cette extension a été accélérée entre le milieu du XIXe s et 1934 quand une véritable campagne de polderisation a été entreprise. L’Etat y a mis fin quand il a souhaité garder au Mont-Saint-Michel son caractère maritime. De nombreuses actions ont été réalisées dans ce but. Les visiteurs ont alors dû se résoudre à renoncer à visiter la célèbre île en y accédant par train (dès 1938 puisque la ligne était déficitaire malgré l’essor du tourisme) puis en véhicule privé suite au déplacement des parkings et à la destruction de la digue.
Les grands travaux entrepris ces dernières années – le nouveau barrage sur le Couesnon et la passerelle d’accès ayant été inaugurés pendant la Présidence de François Hollande – ont permis de déplacer les zones sablonneuses qui obstruaient la baie au Nord de l’île, mais la colonisation par les herbus recommence dans d’autres zones proches.
L’écosystème de la Baie du Mont-Saint-Michel est fragile comme le montre le film diffusé à la Maison des polders de Roz-sur-Couesnon. La qualité des productions locales dépend de la modération de la production. Que l’on élève trop de moutons pour leurs agneaux des prés-salés et c’est la nature des nutriments favorables aux moules et aux huîtres qui s’en ressent. La qualité des eaux des bassins versants influence aussi la qualité des pêches… et c’est donc de manière globale que la gestion doit être entreprise en considérant l’homme comme un des éléments de la problématique et en essayant de le rendre conscient des conséquences du profit à court terme.

La deuxième étape…

…nous éloigne de la Baie du Mont-Saint-Michel et, par un réseau de sentiers diversifié, nous conduit à Dol-de-Bretagne. Le parcours vallonné et souvent ombragé est très plaisant. Ce choix se révèle plus judicieux que l'alternative vers Cherrueix par les digues. Nous traversons quelques villages, trouvant ci et là un commerce, mais c'est grâce au bon conseil de notre hôtesse de nous ravitailler directement à Roz-sur-Couesnon que nous avons un casse-croûte à l'heure de midi. L'approvisionnement est un art d'autant plus compliqué que les horaires d'exploitation sont souvent mal documentés.
Le site mégalithique du Champ des Tombes en périphérie de la carrière de la Rivière à Saint-Broladre garde son mystère. Dans son Inventaire des monuments mégalithiques du département d'Ille-et-Vilaine, de 1883-1886, Paul Bézier relève : «Les paysans que j'ai interrogés ont toujours vu les débris du monument dans leur état actuel; ils passent indifférents auprès de ces souvenirs d'un autre âge et n'ont en mémoire aucune légende s'y rapportant. Deux pierres, des supports, sont seulement debout elles se touchent et un chêne les abrite.» Cette impossibilité de mettre en récit ce site explique son manque d'attractivité et les négligences dans sa conservation. Déplacé pour permettre l'extension de la carrière adjacente, un mégalithe a été broyé et un autre a simplement disparu.
La Grand-Rue de Dol, nommée aussi Grand-Rue des Stuart rappelle le lien historique entre le sénéchal local et la couronne d'Ecosse. Avec ses nombreuses maisons à colombages, l'architecture se démarque du contexte breton. Quant au plan de la Cathédrale Saint-Samson, il est franchement d'influence anglaise.
Notre logement qui s'apparente à une auberge de jeunesse fonctionnelle est décoré avec goût. Le lit en mezzanine libère un espace de repos fort agréable. Son seul inconvénient est un petit-déjeuner inapproprié à la randonnée, mais quelques boulangeries permettent de le compléter en restant à l'abri de la bruine matinale.

Le troisième jour…

…le temps gris accroît la monotonie du parcours. Après avoir descendu la colline de Dol, le seul dénivelé avant Cancale est celui du Mont-Dol, une protubérance qui culmine à 61 mètres. Avec son moulin, elle offre ainsi un point de vue sur la région moins emblématique que le Mont-Saint-Michel.
mont-dol
Après avoir rejoint la plaine, nous bifurquons vers Le Vivier-sur-Mer, centre de l'élevage des moules. Impossible d'y trouver le moindre café, mais comme c'est jour de marché, notre pique-nique sera agrémenté de fruits. Il aurait cependant été possible d'y déguster des moules dans l'un des nombreux stands de vente. Du Vivier nous longeons la route côtière vers Cancale en étant très satisfait de le faire hors-saison : le flot de voitures et de camping-cars qui roulent à proximité confirme que la mobilité de loisirs n'est pas insignifiante pour le climat. À Vildé-la-Marine, puis à Saint-Omer-des-Ondes, ce sont les bassins d'ostréiculture, une activité traditionnelle de la Baie de Cancale. qui modèlent le paysage.
Le modèle économique du tourisme est en pleine recomposition. Rares sont les établissements publics qui ne cherchent pas à augmenter leurs équipes. À Cancale, les restaurants se suivent sur le quai de la Houle, mais de nombreuses devantures sont fermées. Alors que la pluie menace, les touristes sont en effervescence pour trouver une table. Nous entrons dans un restaurant où le jeune chef aide au service – ce qui lui permet aussi de voir ses enfants. Un hasard que nous ne regrettons pas.
Cancale
L'ouverture d'une structure d'accueil est parfois vécu sur un mode romantique : quitter l'anonymat de la métropole pour offrir une qualité de vie à laquelle on aspire soi-même. Ceux situés à proximité du sentier des douaniers (GR34) sont des havres pour qui voyage sans sa tente.

La quatrième étape…

…nous mène à La Guimorais par la Pointe du Grouin, quatre à cinq kilomètres seulement à vol d'oiseau. En suivant les découpages de la côte, alternant rochers abrupts, pinèdes et plages de sable fin, c'est près du quintuple que nous parcourons. Un très beau paysage où enfin nous longeons la mer, nous émerveillant du rythme des marées. La beauté du paysage, la proximité de Saint-Malo et de Cancale en font un lieu couru, mais loin des bruits de la vie moderne cette affluence n'est pas gênante.
Cancale
Quelques buvettes près des plages invitent à faire des pauses. C'est ainsi que nous rencontrons deux Allemandes, l'une, de Dresden, est en route pour trois mois et projette d'atteindre Saint-Nazaire. Pour ces deux premières semaines, une enseignante de Reutlingen l'accompagne. Nous avancerons de concert jusqu'à Saint-Malo et partageons notre table à la Crêperie de La Guimorais avant l'invasion estivale des 600 emplacements du camping proche.

Notre dernière étape…

…vers Saint-Malo, intramuros, en poursuivant notre périple par la côte. Nous abordons la cité malouine par la longue plage bordée d'imposantes villas fin du XIXe s, preuve que le tourisme n'en est pas à sa première mue. En ce début juin, les larges étendues de sable sont encore abordables aux employés pour leur pause déjeuner.
Nous sommes accueillis avec chaleur par Edward, le propriétaire du Nautilus, qui nous présente divers lieux d'intérêt de la ville. La visite de la Demeure du Corsaire, mise en scène par son actuel propriétaire, est très instructive. Le vaste hôtel particulier de l'armateur François-Auguste Magon de la Lande, 60 pièces et vastes caves pour stocker les cargaisons dès l'arrivée des navires, aide à comprendre les liens entre le pouvoir et la noblesse et donne une idée de la richesse que le commerce ultramarin permettait. Il s'agirait du dernier bâtiment de cette envergure suite aux destructions subies pendant la Seconde guerre mondiale.
La cathédrale Saint-Vincent a été restaurée il y a cinquante ans. L'intégration d'un mobilier moderne et de vitraux contemporains donne à cet édifice au centre du périmètre fortifié un aspect vivant. Le plan architectural singulier – on descend de l'entrée au choeur, la forme trapézoïdale de l'axe principal – et les témoignages à Jacques Cartier contribuent à sa célébrité.

Adresses et liens

saint malo