Dans le bouddhisme, le nirvana n'est pas l’équivalent de notre paradis : c'est le grand rien, la fin de tout désir. Le circuit des 88 temples de Shikoku, un cercle, se distingue des pèlerinages chrétiens qui tracent une droite. On ne marche pas du point A au point B en remportant à l’arrivée un prix de tombola spirituelle, on parcourt un cycle, partant de A pour revenir à A, puis l'on remet son ticket en jeu, encore et encore, jusqu'à ce que le concept de but ou de récompense s’épuise de lui-même.

Guillaume Gagnière
Les toupies d'Indigo Street
p. 70

Longtemps rêvé, puis gelé par la fermeture sanitaire du pays, ce voyage allait-il tenir toutes les attentes mises en lui ? Articulé en deux grandes étapes, l'une dans la Péninsule de Kii, balisée par une agence, et l'autre autour des 88 Temples de Shikoku en totale autonomie. La première nous a permis de découvrir de magnifiques paysages de forêts et un monde propice à l'imaginaire alors que la seconde, essentiellement sur des chemins asphaltés, nous a mis en contact avec les habitants de la quatrième île, par la taille, de l'archipel nippon et une certaine pratique de la spiritualité.
Dans une interview, en 2011, Roberto Saviano, relevait que “les librairies sont des endroits dangereux, car on s’y arrête pour réfléchir.” Des endroits que je ne peux m'empêcher de fréquenter et desquels je ressors rarement les mains vides. C'est à la lecture du livre de Thierry Pacquier racontant son pèlerinage sur l'ile de Shikoku que j'ai pris conscience, en 2019, de ce parcours spirituel delà mentionné dans quelques autres ouvrages.
Temporalité parfaite puisque la fin de mon activité professionnelle me donnerait la possibilité d'envisager des découvertes pédestres de plus grande envergure.
Okayama Koraku-en

La planification d'un voyage, comme celle du jardin Koraku-en : un savant équilibre

Quand est venu le moment de concrétiser ce projet diffus, la réalité s'est rappelée sous l'acronyme de COVID et, au lieu de songer à l'accomplir, j'ai plutôt recherché à atténuer les conséquences des interdictions que le virus provoquaient. Loin d'étouffer ce désir, cette situation l'a plutôt renforcé, démentant les promesses que plus rien ne serait comme avant.
Une frustration tant partagée que la conséquence a été un rush sur l'archipel du Soleil Levant dès sa réouverture aux visiteurs étrangers. Une affluence telle que les structures d'accueil, qui étaient en train de se développer suite aux efforts du gouvernement de promouvoir l'économie touristique, ont été engorgées et, une nouvelle fois, le projet a dû être remis.
Cette longue attente comportait le risque de mettre trop d'espérances en ce voyage et d'en être finalement déçu. Elle permettait aussi de se familiariser avec quelques aspects de la vie japonaise…

suite