Des sexes innombrables

Hoquet, T. (2016). Des sexes innombrables : Le genre à l'épreuve de la biologie (Science ouverte). Paris: Seuil.

La question du genre est très actuelle. Qu'il soit question de «mariage pour tous» ou de «l'égalité des droits», la tension entre une évidence naturelle et une construction sociale est omniprésente.

[…] il n'y aurait que du culturel, du social, de l'historique dans les affaires de sexe, mais tout ce relatif est très ordonné : un pesant déterminisme informe les destinées. La variation interindividuelle est domestiquée, canalisée par ce qu'on peut appeler le «système du genre». Comme Barbie et Ken, chacun est tenu d'être identifiable sans avoir à baisser sa culotte. Et malheur à ceux ou celles qui ne se prêtent pas ou mal au jeu, qui ne «performent» pas leur genre comme attendu.

p. 12–13

Dans “La vraie nature du mâle”, un épisode du podcast , Thierry Hoquet, philosophe, présente l'argumentaire de son ouvrage : la biologie complexifie la division entre femelle et mâle. Chez l'humain, l'intersexualité est peu fréquente, cependant l'alignement des caractères féminins et masculins sur le sexe apparent n'est pas unique.

Dans ce livre, nous nous opposons à deux manières de ne pas comprendre le sexe biologique : en affirmant qu'il n'existe pas, en supposant qu'il contient des leçons pour l'organisation de la société humaine. Le but de notre ouvrage est de corriger ces deux méprises en allant voir de plus près la complexité du sexe biologique et la difficulté de passer du concept biologique du sexe à des emplois sociaux du sexe en société. Il s'agit donc de se risquer dans le labyrinthe du sexe et de modaliser l'énoncé selon lequel il y a ou il n'y a pas de sexe, ou deux sexes.

p. 25

Hoquet rapporte que le sexe d'un individu se définit par dix composantes de la plus infime (les chromosomes déjà différents alors que l'embryon est encore indifférencié) au plus intime (l'identité sexuelle). Formellement, c'est le type de gamète produit, ovule ou spermatozoïde, qui dissocie le plus la femelle du mâle. Il note que lorsque ces dix composantes (qui incluent le sexe périnéal –verge/vulve– ou l'orientation sexuelle) ne sont pas alignées, la dissonance “provoquera le rejet, sera perçue avec effroi, comme une maladie, un trouble, voire une perversion” (p. 77).
Le propos de Hoquet consiste à s'opposer à toute tentative d'utiliser des faits biologiques pour fonder l'ordre social. Selon l'auteur, “La société humaine doit se construire en raison d'idéaux sociopolitiques, comme la justice ou l'égalité” (p.26); elle ne dérive pas de «la nature», même si cette dernière influence notre organisation sociale.

Le couple femme/homme n'est jamais équivalent ni au couple femelle/mâle ni à féminin/masculin, et ce en dépit de l’apparente homologie qui existe entre ces trois dichotomies. Dans le cadre de la distinction sexe/genre, on peut dire que la paire femelle/mâle incarne le sexe, et que féminin/masculin représente le genre ; quant au couple femme/homme, son statut est incertain : comme un nouage ou un point de rencontre, où le genre doit se conformer au sexe.

p. 51

L'homme et la femme sont le fruit d'un développement dans un environnement auquel le foetus, l'enfant, l'adolescent puis l'adulte sont sensibles. C'est dire que tant du point de vue physiologique qu'en ce qui concerne l'évolution psychosociale, l'être humain se transforme au cours de son existence. Les équilibres hormonaux et la variété des morphologies ne réduisent pas l'individu à l'alternative M ou F du sexe légal.
Instrumentaliser la biologie pour, notamment, prendre position sur l'homosexualité et la légalisation des couples de même sexe est une imposture. Quand bien même la découverte de gênes déterminant des comportements sexuels était confirmée, elle ne dirait rien sur l'évolution des relations entre êtres de même sexe au cours de l'histoire : “les gays d'aujourd'hui peinent à se retrouver dans le portrait qui est dressé de l'homosexualité antique.” (p. 210)
Chapatte It's a boy

Chapatte le 19 avril 2005


“Lorsqu'un enfant humain naît, il est bien sûr doté d'organes génitaux qui identifient le plus souvent son appartenance à un sexe. Mais il débarque dans un univers surchargé de symboles, de signes, de paroles, de comportements, qui l'inclinent, le modèlent, le forment.” (p. 125) Ce n'est pas l'assertion “C'est un garçon” ou “C'est une fille” qui est déterminante, mais elle déclenche des gestes et des comportemetns de l'entourage qui participeront à la réalisation identitaire de l'être en devenir.


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Recension sur Implications Philosophiques