Favoriser les apprentisages

Veux-tu n'être pas frustré dans tes désirs ? Tu le peux : ne désire que ce qui dépend de toi.

Épictète

Favre, D. (2010). Cessons de démotiver les élèves : 18 clés pour favoriser l'apprentissage. Paris: Dunod.
Cessons de démotiver les élèves reprend les concepts que Favre a étudiés dans son parcours de chercheur en neurosciences et en sciences de l’éducation. il est enrichi des expériences des enseignants du monde francophone qui ont participé à ses séminaires de formation. Organisé en 18 clés, le livre de Favre pose des pistes concrètes pour renouveler les pratiques d’enseignement.
L’auteur attire par exemple l’attention sur le désagrément que nous fait ressentir l’erreur. Alors que, dans les processus d’apprentissage, l’erreur devrait nous permettre d’adapter notre stratégie et nous procurer des moyens d’agir face aux situations nouvelles, nous, adultes et enseignants, nous sentons coupables ou dévalorisés lorsque nous en commettons. Ces sentiments ont un effet inhibant et, devant une tâche inconfortable, en particulier dans un groupe de pairs, nous cherchons à mettre en place des stratégies d’évitement. Ce sont les mêmes mécanismes qui sont en œuvre chez les élèves : la crainte de l’erreur et de l’échec qui lui est associé peut conduire à une démotivation importante.

couverture Cessons de démotiver les élèves
Pour tenir compte de ces mécanismes, Favre incite à distinguer de manière claire des périodes d’apprentissage dans lesquelles les erreurs ne sont pas comptabilisées pour permettre à l’enfant d’élaborer ses stratégies d’apprentissage et les temps du contrôle normatif qui servent à la régulation du système (promotion, mesures particulières). Le poids de l’autorité scolaire, au travers de ses décisions, est encore si considérable que les parents « restent attachés à une logique de contrôle et réclament des notes, encore des notes. » Les enseignants, de leur côté, se sentent rassurés par ces jalons pour communiquer avec les parents. Cette pratique qui se focalise sur une mesure, apparemment objective, participe à la démotivation des élèves et les encourage à ne se mobiliser que pour les seuls travaux qui “comptent”.
Cette contamination conduit trop souvent à considérer les élèves comme “bons” ou “mauvais”, alors qu’ils ont simplement atteints les objectifs ou ne les ont pas encore atteints ! Considérer que certains élèves seraient bons et d’autre mauvais peut conduire les enfants à intégrer dans leur identité « Je suis bon » ou « Je suis mauvais ». Nous utilisons parfois les mots maladroitement sans prendre conscience de leur effet sur l’estime de soi des personnes concernées.
Cessons de démotiver les élèves suggère des pistes concrètes pour mobiliser au quotidien l’élève et le rendre acteur de ses apprentissages. Pour qui désire mieux comprendre les fondements scientifiques de la démarche de Favre, Transformer la violence des élèves détaille ses arguments.
Par contre, ce dernier ouvrage traite de manière plus développée de l’influence croissante des technologies dans notre vie quotidienne influence le contexte socioéconomique et les rapports au savoir. Le monde scolaire repose sur de nombreux implicites qui tendent à s’estomper avec l’évolution des modes de vie. Pour tous les élèves, en particulier pour ceux qui sont issus d’autres cultures, il est important de les clarifier. Cette explicitation est l’occasion d’interroger nos propres comportements face aux évolutions auxquelles nous assistons : le langage télévisuel vise à rendre le téléspectateur captif et tend à lui éviter la réflexion, il favorise les assertions dogmatiques, les généralisations abusives au détriment de la diversité des opinions et de l’intégrité des individus.
Dans le même esprit, Philippe Mérieu dénonce : « Notre monde est […] en passe d’être complètement piloté par la machinerie médiatico-commerciale… qui, précisément, à tout intérêt à ne pas avoir en face d’elle des sujets libres, mais des enfants scotchés aux écrans et manipulables par la publicité. » Ce constat place l’école face à des contradictions que les enseignants doivent assumer individuellement (« Quelles sont mes valeurs ? Suis-je prêt à les assumer ? ») et collectivement dans la cadre de l’établissement. Ce conflit entre les fondements économiques de la société moderne (consommation, rentabilité, compétitivité) et les valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité, solidarité, laïcité) influence l’action pédagogique. À ce propos, le projet vaudois de loi sur l’enseignement obligatoire confirme cette contradiction en définissant comme buts de l’école la performance et l’égalité des chances, l’insertion dans la société et le développement de compétences pour former son jugement .
Le conflit de valeurs se vit au quotidien, dans les actions pédagogiques : compléter le programme ou motiver les élèves ? Cette tension est souvent telle que les projets sont souvent abandonnés avant que les résultats en soient mesurables, de peur de prendre du retard. Les expériences de Boimare, de Pennac et… de Favre montrent qu’un délai est nécessaire pour permettre un fonctionnement plus autonome, fondé sur l’envie d’apprendre, et que, ce temps écoulé, la progression devient rapide et performante.
Le choix des moyens fait partie de la sphère d’influence de l’enseignant ; il peut remettre en cause ou, a minima, questionner les habitudes qui limitent notre action et chercher à établir une meilleure cohérence, individuelle et collective, pour améliorer les conditions de notre enseignement.
Favre désire donner aux élèves le plaisir d’apprendre et la fierté de progresser, ses clés pour atteindre cet objectif ambitieux repose sur l’audace et la persévérance d’enseignants, prêts à former un « groupe à haute intelligence collective […] composé de gens respectueux de l’avis des autres, sans mâle dominant qui sait tout, et à la recherche du consensus efficace. »

Présentation de l’ouvrage aux éditions Dunod
Citation de Meirieu
Citation de Duboule