Sur la traversée des Alpes

Après de nombreux itinéraires de découvertes au rythme de la marche, c'est un peu le hasard qui m'emmène à traverser une partie des Alpes françaises du nord vers le sud. Ce vaste territoire qui du Léman à la Méditerranée fait frontière, essentiellement avec l'Italie, m'est un lieu parfaitement inconnu. Le nom de ses cols associés aux étapes les plus prestigieuses du Tour de France, de ses Parcs nationaux ou régionaux et de ses stations de ski renommées ajoute à l’attrait du projet malgré une certaine crainte de la haute altitude et des passages exposés.

grattaleu palet vanoise

Lac de Grattaleu – Col du Palet

La combinaison d'une notoriété et de conditions topographiques et climatiques a priori hostiles font des Alpes un territoire de défis. Quoi de plus tentant que d'utiliser sa traversée comme un rite de passage. Pour l'amoureux du Léman et de la saveur du citron de Menton, Maîtronome, c'est devenu une évidence, il rallierait le Lac à la Méditerranée pour inaugurer sa retraite. Pour l'occasion, il s'accompagnerait de connaissances pour un tronçon ou l'autre. C'est ainsi que je me suis retrouvé sur cette grande randonnée entre Tarentaise et Ubaye. Je les ai rejoints, lui et son parfait navigateur, de Landry à Larche ; l’occasion de découvrir des "pays" aux caractères marqués.
Planifiées avec soin, les étapes alternaient les journées intenses et d'autres moins exigeantes. Cette combinaison, préférée aux journées de repos, s'est avérée judicieuse en particulier grâce aux bonnes conditions météorologiques : pas de préoccupations concernant le séchage de nos affaires et possibilité, presque chaque jour, de faire des pauses conséquentes.
clapier blanc
Le préposé à la planification a manifestement trouvé du plaisir à préparer l'itinéraire le plus adéquat, même si la réalité du terrain nous a obligé à modifier quelque peu notre parcours. Les gites et refuges peuvent être occupés par des groupes importants et certains randonneurs, davantage contraints par le temps, réservent longuement à l'avance leur couchette. C'est ainsi que le Refuge du Mont-Thabor est complet ou que le Viso à La Chalp finalement déjà fermé.
Cette anticipation du voyage permet aussi de se préparer à quelques plaisirs. Dès les premiers tableurs une mystérieuse inscription « couscous » figure à côté de l’étape de Plampinet à Briançon qui nous permettra de profiter de cette Cité de Vauban, version alpine.
Au fil des journées nous repérons ceux et celles, en bien plus petit nombre, qui ont entrepris une traversée des Alpes. Il y a le soignant qui a reçu cette expérience comme cadeau de sa soixantaine, une occasion pour lui de revenir sur un ensemble de paysages découverts au fil des ans. Il y a le couple perpignanais, habitué de grandes traversées. Dans l'autre sens c'est un père biterrois et son fils qui enchainent les étapes à un rythme si soutenu que les pieds du plus jeune finissent par déclarer forfait.
Ce contretemps met en évidence les difficultés logistiques à rallier cette marge du pays. Ayant déposé une voiture à Valfréjus, l'extrémité prévue de leur parcours, et l’autre à leur point de départ, comment les récupérer depuis Brunissard au Queyras ? Sans véhicule privé, il reste les options du stop ou du taxi. Cette dernière, depuis Larche, me permet de découvrir un chauffeur intéressant, attaché à l'Ubaye et réaliste sur les limites de ce qu’une région peut offrir à ses jeunes.

col girardin maljasset
Du Col Girardin vers Maljasset

Barcelonnette, Barcelo pour les locaux, est en effervescence puisque s'y tient le Alpes Aventure Motofestival. Un monde majoritairement masculin comme celui de la randonnée alpine. Alors que sur les sentiers les jeunes en-deçà de 30 et les vieux au-delà de 60 ans sont majoritaires en cette fin de saison, la tranche des 45-60 ans est la plus représentée au guidon. Cette répartition genrée a le don d’irriter Mémé Cracra qui aime parler fort et préfère oublier les règles de civilité ; elle n’est heureusement pas représentative des randonneuses et randonneurs rencontrés.
Le dos des plus jeunes marcheurs supporte l'autonomie, l'excès de poids permet alors de limiter la charge financière. Chacun avance alors à son rythme enchaînant plusieurs étapes ou au contraire, comme ce jeune homme rencontré sur le col des Ayes, à une heure trente de chez lui, se donne du temps pour profiter des paysages.

Suite