Avec les henros de Shikoku


précédent

Mon dernier logement à Shikoku est à nouveau un Guest House, le tek-tek de Nagao qui se trouve à deux pas de Nagaoji – 長尾寺 (n°87) dans la cour duquel s’élève un grand camphrier. L’auberge est très calme puisque je suis l’unique occupant du dortoir divisé entre cabines et capsules, selon que l’espace est sur un ou deux niveaux. Mais le vent souffle fort et les bourrasques secouent la maison et perturbent mon sommeil. Aucune relation entre 金曜日 (kinyōbi – vendredi – qui, étymologiquement se réfère à la planète dorée, Vénus) et la pluie, pourtant tout ce séjour aura été marqué par les pluies du vendredi. Une météo que l’on attendait cependant bien plus défavorable sur la trace des henros de Shikoku.
Depuis la veille on me déconseille d’aborder le parcours par la montagne et me propose de me rabattre sur l’un des parcours routiers plus proche de l’accès originel qui contourne la montagne au lieu de la traverser. Un trajet certes plus long de 3 km, mais sans risque de tester le henro korogashi.
ookuboji
Comme souvent au Japon, les solutions arrivent avant les problèmes. Alors que j’ai déjà fait mes adieux au propriétaire du Guest House, il me demande la suite de mon programme et me propose plutôt de laisser mon sac chez lui et de le reprendre à mon retour en bus. Excellente proposition qui me permettra de progresser plus rapidement. La fluidité des relations humaines et les très forts interdits concernant le vol m'ont rendu insouciant, voire téméraire, et j'ai plusieurs fois quitté un endroit en oubliant mes affaires. C'est ainsi que je suis retourné récupérer mes bâtons, mon smartphone (pourtant indispensable !) et que mon rasoir est arrivé tout seul à tek-tek puisque les gérants des deux logements l'ont spontanément acheminé.
À l’embranchement de trois variantes du cheminement, un bureau établit des certificats aux pèlerins. Comme mon parcours est incomplet, je ne fais que profiter du thé vert offert… et jeter un coup d’œil à l’exposition consacrée au pèlerinage. Une tradition très ancienne avec quelques beaux nōkyōchō et des photographies qui attestent une longue tradition des pèlerinages de groupes. C’est ainsi que je suis dépassé par quatre autocars en approchant du dernier temple, Ōkuboji – 大窪寺 (n°88) et, soudain, je me retrouve derrière une foule de jeunes en excursion encadrés par leurs professeurs. L’un d’entre eux engage la conversation. Il a fait le pèlerinage de Compostelle, il y a longtemps, quand il cherchait à donner un sens à sa vie, et juge important que ces élèves d’un lycée professionnel prennent conscience de la vie des henros. Eux, de leur côté, ont l’air davantage concernés par leurs smartphones même si plusieurs complètent des osame-fuda au terme des environ 2 km de leur marche imposée.
okubo-ji


Dépôt des kongōzue au Hojodo

Divers endroits sur le site permettent aux pèlerins d’abandonner symboliquement leur bâton, le kongōzue considéré comme une incarnation du Kōbō Daishi qui les a guidés pendant tout le pèlerinage.
Un homme a installé tout un dispositif pour saisir le feuillage d’un rare érable coloré. Le professeur se désolait d’ailleurs que les arbres ne soient pas plus lumineux pour contribuer à la réussite de l’excursion ; beaucoup d’entre eux perdent leurs feuilles sans vraiment passer par un stade flamboyant.

Le passage d’un avion me rappelle que demain je serai en vol. Ce qui fait dire au dernier pèlerin avec qui j’ai partagé un bout de chemin : very busy ! À méditer…
Ces quelques semaines procurent une véritable respiration, à l'écart des habitudes. Que ce soient dans les forêts du Kumano qui évoquent le monde onirique de Murakami, dans lequel Jizō et kamis se répondent, ou sur les chemins du pèlerinage des 88 Temples, le rythme de la marche inspire… et permet à l'esprit de vagabonder. Quête de calligraphies, dissémination d'osame-fuda pour attester que ce temps n'est pas que vaine déambulation

Quelques instantanés…
ou quelques photographies