Purple Hibiscus

Adichie Chimamanda Ngozi. Purple Hibiscus. Algonquin Books of Chapel Hill. ed., 2012.

En racontant l'adolescence d'une jeune nigériane dans une famille rigoriste, Chimamanda Ngozi Adichie publie un roman de formation. Le contexte postcolonial d'Enugu lui permet d'aborder différents thèmes politiques et sociaux.

Ecrit alors qu'elle termine ses études aux Etats-Unis, le premier roman de Chimamanda Ngozi Adichie porte un regard critique sur la société nigériane, plus précisément sur sa composante la plus prospère. Cependant ses personnages manquent parfois de souplesse ce qui rend les situations caricaturales, voire stéréotypées. Dans Americanah, écrit une dizaine d'années plus tard, les protagonistes ont une épaisseur qui les rend plus crédibles. Cette faiblesse pourrait occulter la réalité d'une Afrique qui doit se construire à l'intersection de deux cultures.

He opened his eyes before many of our people did, Papa would say; he was one of the few who welcomed the missionaries. Do you know how quickly he learned English ? When he became an interpreter, do you know how many converts he helped win ? Why, he converted most of Abba himself !
He did things the right way, the way the white people did, not what our people do now !

p. 68

Adichie présente dans son livre les Etats-Unis comme une échappatoire aux impasses de la société nigériane, sans cacher qu'elle n'est accessible qu'au milieu privilégié auquel elle appartient.
La narratrice, Kambili, est une adolescente soumise à son père Eugene, un riche homme d'affaires empêtré dans ses contradictions. Elle, son frère Jaja et sa mère Beatrice subissent l'autorité tyrannique de cet homme, ses pressions psychologiques et ses sévices physiques.
Cet homme influent et sa sœur Ifeoma, enseignante à l'Université, sont issus d'une famille igbo. Leur père vit encore selon les coutumes ancestrales. Papa-Nnukwu s'est vu contraint de laisser ses enfants à l'éducation missionnaire. Pour Eugene, cette influence l'a complètement coupé de ses origines sociales et culturelles. Alors que sa sœur, en faisant une synthèse des deux cultures, s'émancipe de la société patriarcale tout en honorant la mémoire familiale. Veuve, elle éduque ses enfants en favorisant leur sens critique.
Le seul ancrage qui reste à Eugene est la villa ostentatoire qu'il a fait construire au village et qu'il visite une fois l'an. L'auteur décrit Eugene comme généreux, soutenant sans compter l'église et même une presse critique à l'action gouvernementale. Cette prodigalité dans un environnement corrompu fait partie des contradictions d'Eugene. Son emprise sur le noyau familial, liée à une conception occulte de la foi catholique n'en demeure pas moins problématique.

[Amadi] laughed and said he believed they could jump higher than they thought they could. And that they had just proved him right.
It was what Aunty Ifeoma did to my cousins, I realized then setting higher and higher jumps for them in the way she talked to them, in what she expected of them. She did it all the time believing they would scale the rod. And they did. It was different for Jaja and me. We did not scale the rod because we believed we could, we scaled it because we were terrified that we couldn't.

p. 226

Adichie revendique sa spécificité nigériane. Elle insère dans son texte de nombreux mots igbo, sans utiliser de lexique. Si le dénouement laisse espérer un avenir plus serein à Kambili, le roman paraît condamner le Nigeria. Aunty Ifeoma, porteuse des valeurs d'une démocratie moderne, doit pourtant s'exiler pour assurer la (bonne) éducation de ses enfants et pour éviter le dénuement qu'impliquerait son licenciement d'une institution muselée par le pouvoir dictatorial. Quant aux populations des régions plus reculées elles en sont réduites à se contenter des restes laissés par les plus riches. Elles n'ont aucune présence dans l'univers du roman.
L'autrice dénonce la violence de Papa, empêtré dans sa représentation du patriarcat : potentat domestique complètement soumis à un Dieu de colère. La candeur de Kambili la conduit à une forme d'indolence et la trame d'Achidie nous laisse dubitatif sur la capacité de son personnage à se saisir des nuages qui passent pour rebondir après les épreuves subies.

Le site de l'autrice
Site consacré à l’autrice à l'Université de Liège
Le site de Gallimard, pour la version française