Il n'y a pas de Ajar

Horvilleur Delphine. Il n’y a pas de Ajar, Monologue contre l’identité. Grasset, 2022.

Le monologue de Delphine Horvilleur est une charge contre les excès de l'identarisme, certains diraient wokisme. Ce seul en scène traite avec humour et dérision de questions qui contaminent le débat politique en abusant des iniquités de notre société. Comment aborder les questions du genre, de la race, de la religion, bref des identités sans réduire l'autre – et soi-même – à une unique composante de sa personne ?

Autour de nous – tendez l'oreille – hurlent de toute part des voix qui affirment que pour être authentiques, il faudrait être entièrement définis par notre naissance, notre sexe, notre couleur de peau ou notre religion.

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Femme rabbin – en soi, une négation de l'assignation à l'unicité – l'autrice imprègne son texte de cultures monothéistes, en particulier des traditions judaïques. Une personnalité nait de la conjonction de sa génétique, voire de son épigénétique, et de son environnement. La personnalité de Romain Gary et de son double littéraire Emile Ajar inspire Delphine Horvilleur. En se choisissant un pseudonyme l'écrivain cherche à relancer une carrière dépréciée par sa notoriété. Un sursaut qui ne l'empêchera pas de se suicider après un succès inédit : recevoir un second Goncourt. Un parcours insolite, pour un émigré juif lituanien – mais ces catégories ramènent à l'assignation identitaire – au cœur de la thématique.

Permis et salutaire de juger un homme pour ce qu'il fait et non pour ce dont il hérite. D'exiger pour l'autre une égalité, non pas parce qu'il est comme nous, mais précisément parce qu'il n'est pas comme nous, et que son étrangeté nous oblige.

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Ce monologue est la parole d'Abraham Ajar, qui se dit fils d'Emile. En considérant quelques thèmes en lien avec l'appartenance au judaïsme – la filiation d'Abraham, la circoncision, le nom de Dieu,... – l'autrice questionne le rapport à l'altérité.

Et c'est là qu'elle attaque et et qu'elle s'accroche, cette saloperie. Tu sais « l'identité», comme ils l'appellent tous. C'est fou comme elle les obsède aujourd'hui. Tu as remarqué ? Elle est partout. Elle bouffe toute la place elle fait se sentir « bien chez soi » à la maison et en manque de rien. Et c'est comme ça qu'on devient muet, con, antisémite, et parfois les trois à la fois.

p. 52



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