Fantaisie allemande

Claudel Philippe, Fantaisie allemande, Stock 2020.

Nouvelles ou roman ? Le livre de Philippe Claudel joue avec les codes et déconcerte par son polymorphisme. Son titre même, précise l'auteur, se rapporte davantage à la forme libre qu'à un contenu imaginaire, encore moins qu'à un texte surtout plaisant.

Il avait traversé les récentes années sans se poser de questions. À la faveur de l’avénement du nouvel ordre, il avait obtenu un statut et un respect qui lui avaient été auparavant toujours refusés. En peu de temps, on l’avait extrait de son effacement, de la masse des autres hommes. On lui avait assigné une fonction et un rang. On l'avait usiné. On en avait fait un outil efficace. Des ordres lui étaient donnés. II les exécutait. Il n’avait pas senti venir le chaos.

p. 24-25

Dans une adresse à son public, l'écrivain précise que les cinq volets ont été composés indépendamment et que les liens entre eux l'ont incité à les reprendre pour en créer un roman qui implique le lecteur. Cette vision kaléidoscopique du XXe s. allemand s'articule autour de Viktor, dont on est amené à chercher la toile qui le lie aux autres personnages. Ce réseau met en évidence la pluralité des identités qui se manifestent dans l'Histoire et la construction, puis la désintégration, d'une mémoire.
Lorrain, Claudel est en première ligne pour s'interroger sur les caractéristiques qui différencient l'âme allemande de la narration française. Ce roman, qui montre l'homme sous sa face sombre, devrait nous pousser à nous abstraire des stéréotypes et des généralités.

C'est là sans doute la part la plus diabolique de leur action, et on n’a pas fini d’en découvrir les conséquences : [les nazis] ont exterminé des millions d’êtres humains, mais ils ont œuvré aussi à l’extermination de la mémoire.

p. 115


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Les livres ont la parole (RTL)

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