Chère Ijeawele

Adichie Chimamanda Ngozi, Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe, Gallimard 2017.

Maintenant que je suis moi aussi mère d'une délicieuse petite fille, je réalise à quel point il est facile de donner des conseils sur la façon d'éduquer un enfant quand on n'est pas réellement confrontée soi-même à l’immense complexité de cette tâche.
Pourtant, je suis convaincue de l'urgence morale qu'il y a à nous atteler à imaginer ensemble une éducation différente pour nos enfants, pour tenter de créer un monde plus juste à l'égard des femmes et des hommes.

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Chère Ijeawele

Dans ses romans, notamment dans Americanah, l'écrivaine nigériane adopte des positions très engagées socialement sur les questions de race et de genre. Certains de ses compatriotes considèrent avec suspicion ce militantisme qui serait imputable à des influences occidentales. Indéniablement, l'éducation d'Adichie dans un milieu aisé de Nsukka est teintée de valeurs occidentales. Au cours de ses études aux États-Unis, elle fait l'expérience du racisme et apprend la fierté de son africanité, qui la distingue des Noirs américains.
Pleinement femme, Adichie revendique sa féminité mais ne laisse pas réduire son identité à son genre. Son intervention We Should All Be Feminist pleine d'humour dans une conférence TEDx lui donne une notoriété et l'incite à approfondir encore la question du genre. Le manifeste de Chimamanda Ngozi,Adichie a la forme d'une lettre à Ijeawele, son amie qui lui demande conseils pour donner une éducation féministe à sa fille Chizalum.
Les quinze propositions de l'autrice mettent en évidence le poids de traditions qui assignent les femmes à un rôle déterminé. Ces routines entretiennent l'utilisation de tournures langagières qui favorisent à leur tour la perpétuation de pratiques discriminantes.

Le racisme me met en colère. Le sexisme me met en colère. Mais j'ai récemment pris conscience que le sexisme me met plus en colère encore que le racisme.
Parce que dans ma colère contre le sexisme, je me sens souvent seule. Parce que nombre de gens que jaime et de personnes qui m’entourent reconnaissent facilement l'existence d’injustices raciales, mais pas celle d’injustices de genre.

p.34

La grande conscience des mécanismes d'exclusion liés au racisme aide Adichie à trouver les mots qui conviennent pour dénoncer ceux qui affectent les femmes. En usant du ton détaché que permet la correspondance avec une amie, mâtiné d'humour, l'écrivaine relève de manière exhaustive les inégalités de genre sans paraître sentencieuse.

Aurélia Blanc avec son Tu seras un homme – féministe – mon fils ! rappelle qu'une société non discriminante repose sur l'éducation et qu'elle ne se limite pas aux petites filles !


Éduque-la à la différence. Fais de la différence une chose ordinaire. Fais de la différence une chose normale. Apprends-lui à ne pas attacher d'importance à la différence. Et il ne s'agit pas là de se montrer juste ou même gentille, mais simplement d’être humaine et pragmatique. Parce que la réalité de notre monde, c'est la différence. Et en l'éduquant à la différence, tu lui donnes les moyens de survivre dans un monde de diversité.
Elle doit savoir et comprendre que dans le monde les gens suivent des chemins différents, et que tant que ces chemins ne nuisent pas aux autres, ce sont des chemins valables qu'elle doit respecter.

p. 76



Le site de l'autrice
Grande interview de Adichie par Khadidja Sahli (Le Temps)
Tout un monde RTS du 19 mars 2018
Le site de Gallimard
Commentaire de Marie Maurisse sur le livre d'Aurélie Blanc
Interview d'Aurélie Blanc dans Les Couilles sur la table