Élégie pour un Américain

Hustvedt Siri. Elégie pour un Américain. Roman. Babel. Actes Sud, 2008

En intégrant dans son roman des extraits des Mémoires de son père à l'usage de ses proches, Siri Hustvedt, lui ajoute une forte composante autobiographique. Cette dimension est confirmée par la Chronique d'hiver de son mari, Paul Auster.

Elegie Hustvedt
A l'âge où meurent nos parents, l'autrice suit Erik et Inga dans le deuil de leur père. Ce décès ravive leurs plaies, le divorce d'Erik et le veuvage de sa sœur, les confronte à l'anxiété de la solitude.
Les notes de Lars Davidsen permettent à Hustvedt d'inscrire son histoire dans celle de l'ascension sociale des immigrants d'origine nord-européenne. Sa propre migration du Minnesota à Brooklyn est aussi constitutive de son identité. Aux traumatismes subi par le défunt pendant la Seconde guerre, dans le Pacifique, font écho les scènes saisies lors de l'effondrement des Twins en 2001.

C’est l’histoire même de ta vie. Chaque fois que tu parviens à une croisée des chemins, ton corps s'effondre, car ton corps a toujours su ce que ton esprit ignorait, et, quel que soit le moyen qu'il emploie pour craquer, mononucléose, gastrite ou crises de panique, c’est toujours ton corps qui a repris à son compte le fardeau de tes peurs et de tes batailles internes, c’est toujours lui qui a encaissé les coups que ton esprit ne pouvait ou ne voulait pas supporter.

Chronique d'hiver
Paul Auster, p. 78-79

La découverte d'une lettre d'une certaine Lisa fait comprendre qu'un événement significatif n'est pas mentionné dans les Mémoires. La recherche de l'expéditrice nourrit la tension narrative. Pourtant la force du livre réside, à mon avis, davantage dans la description des états de la mémoire, des interférences du vécu et des émotions sur sa construction. De la stabilité de ces repères dépend notre équilibre physique et psychique, en particulier lorsque nous devons endurer l'adversité.

La mémoire ne prodigue ses cadeaux que si quelque chose, dans le présent, la stimule. Ce n’est pas un entrepôt d'images et de mots fixes, mais un réseau associatif dynamique dans le cerveau, jamais inactif et sujet à révision chaque fois que nous récupérons une image où un mot du passé. Je savais que, du simple fait de son arrivée dans ma vie, Eglantine avait commencé à me ramener vers ces chambres de mon enfance qu’en dépit de mon analyse j'avais gardées fermées — ou plutôt entrouvertes juste assez pour apercevoir un trait de lumière ou respirer de temps à autre une odeur de moisi.

p. 114



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Critique de Lisbeth Koutchoumoff – payot.ch