Zerrissene Moderne

Franz Frank – Les Sans-travail 1828/29


Kunstmuseum, Basel
La modernité déchirée

Renommé pour sa collection d'art rhénan des XVe et XVIe s. le Kunstmuseum de Bâle s'installe dans son actuel bâtiment principal du St. Alban Graben en 1936. Que va-t-on y exposer ?
Georg Schmidt, directeur de 1939 à 1961, saisit l'opportunité des ventes d'art dit dégénéré au profit du régime national-socialiste pour diversifier la collection et la compléter par des peintures modernes.

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grosz friedrichstrasse
Les ventes d'art considéré comme «exploitable sur le marché international» demandent une réaction rapide qui s'accommode mal des processus démocratiques d'attribution des budgets.

George Grosz – Friedrichstraße in Ecce Homo, 1918

L'exposition bâloise, tout en présentant les œuvres disponibles sur le marché à cette époque, montre les échanges de correspondance, les procès-verbaux officiels relatifs à ces acquisitions. Elle met en scène d'âpres débats. Certains intervenants questionnent la moralité de l'opération, d'autres contestent la valeur artistique des œuvres convoitées. Entre ces débats, le directeur prépare avec soin les ventes aux enchères pour tirer le meilleur profit de la somme qui lui est finalement accordée par le Conseil d'État et élabore uns stratégie d'acquisition avec d'autres institutions.
Acheter ces œuvres c'est aussi l'assurance de les préserver. Certaines toiles convoitées mais jugées dépravées seront simplement détruites (La tranchée –Schützengraben– d’Otto Dix, par exemple). À de rares exceptions, notamment celle de Max Beckmann, les saisies nazies coupèrent l'élan artistiques et empêchèrent les peintres concernés de connaître le succès dans l'après-guerre.

Le Kunstmuseum. présente en parallèle son fonds de 200 dessins et gravures acquis lors de la vente en 1933 de la collection de Curt Glaser. Directeur de la Kunstbibliothek de Berlin, il détient avec son épouse une importante collection. Après le décès de cette dernière, en 1932, il est démis de ses fonctions en avril 1933 en raison de ses origines juives et doit aussi quitter son vaste appartement de la Prinz-Albrecht-Strasse dans le périmètre de l'actuel Topographie des Terrors.
Suite à ses revers, il finance son exil vers la Suisse puis les États-Unis en vendant ses œuvres – une collection qui a d'ailleurs beaucoup fluctué, au gré de ses passions.

munch autoportrait

Quelques œuvres, dont cet autoportrait, témoignent des liens étroits du critique d'art avec Edvard Munch


En 2004, la restitution des 200 œuvres par les héritiers de Curt Glaser est refusée par les autorités bâloises qui en sont propriétaires depuis 1933. Mais le legs Gurlitt au Kunstmuseum Bem ouvre une autre perspective sur la nouvelle demande déposée en 2016. Un accord est trouvé qui permet à l'institution bâloise de conserver les œuvres contre une compensation financière et la mise en valeur de la collection Glaser, l'objet même de cette exposition.
La complémentarité de ces deux expositions et de la présentation du bilan du legs Gurlitt indique la préoccupation des musées européens concernant la provenance de leurs collections. Cet angle s'inscrit dans un débat plus général d'attention portée à l'autre... mais interroge aussi sur l'opportunisme de celles et ceux qui cherchent à profiter de cette évolution. Cet aspect a d'ailleurs été pris en considération dans la résolution de la cause des héritiers (indirects) de Glaser.

Le site du musée
Descriptif des salles

Rundgang mit der Kuratorin Eva Reifert durch die Ausstellung
Swissinfo
Le cas Curt Glaser (de)