Le pain perdu

Bruck Edith, Le pain perdu. Editions du sous-sol, 2022.

Dans ce récit autobiographique Edith Bruck rappelle la difficulté à échapper aux injonctions de la société. En tant que rescapée des camps d'extermination nazi, s'intégrer dans le monde hérité de la Seconde Guerre mondiale n'est pas une évidence.

Judit et moi échangions des propos muets, comme pour exprimer qu'entre nous et ceux qui n'avaient pas vécu nos expériences s'était ouvert un abîme, que nous étions différentes, d'une autre espèce. Que se passait-il ? Notre restant de vie n'était plus qu'un poids, alors que nous avions espéré un monde qui nous aurait attendues, qui se serait agenouillé devant nous. Ce qui nous troublait était-il réel ou imaginaire ?

p. 87-88

Elle a survécu à ce cataclysme contrairement à la société hongroise dans laquelle elle a grandi. Il s'agit alors de se reconnecter à un monde dont on a perdu les repères, en comptant sur ses propres forces. Un processus laborieux qui commence par de longues attentes dans les camps de transit. Puis vient le rapport ambigu à la famille et à Israël : des repères qui enferment celle qui ne rêve que de la liberté d'exprimer sa personnalité.
Reconnaissante de l'accueil que l'Italie lui a réservé, Edith Bruck est néanmoins troublée de voir le «vent pollué par de nouveaux fascismes, racismes, nationalismes, antisémitismes» (p. 156) reprendre de l'ampleur. Ses écrits, récompensés par de nombreux prix et son témoignage ont-ils été vains ?

Lisbeth Koutchoumoff Arman pour Le Temps
Interview du traducteur, René de Ceccatty par David Berger, RTS
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