Une rose seule

Barbery Muriel, Une rose seule. Actes Sud, 2020.

Muriel Barbery nous emmène à la découverte du Japon avec Rose. Dans un roman qui aborde le thème de l'abandon paternel comme Mizubayashi dans son Âme brisée. Ce choix permet à ces deux auteurs, qui se sont immergés dans une autre culture, de tisser des liens entre ces univers distincts. Ces approches communes incitent à les comparer.

Si l'approche du Japonais Mizubayashi me paraît très occidentale dans son excès d'explicitations, celle de la romancière française est surtout sensuelle. Par le titre de son roman, l'autrice introduit une ambiguïté entre le prénom de son héroïne et sa passion pour les végétaux. Cet intérêt de botaniste la rend très attentive aux subtilités des traditions florales de l'Empire nippon.

La vie est transformation. Ces jardins sont la mélancolie transformée en joie, la douleur transmuée en plaisir. Ce que vous regardez ici, c'est l’enfer devenu beauté.

p. 69

Le personnage central de Mizubayashi, Rei, retourne au Japon qu'il a quitté lorsqu'il n'était encore qu'un enfant. Cette quête le ramène sur le lieu de disparition de son père. Rose, elle, n'a jamais eu de contact avec son géniteur ou avec le Japon. Sur instruction du notaire de son père, elle va découvrir ses traces post-mortem. Il a imaginé un parcours initiatique dans Kyōto pour établir le lien qui, toutes ces années, a tellement manqué à Rose.
Le langage imagé de Muriel Barbery évoque un Japon intemporel, renforcé par le lien qu'elle compose à chaque étape avec une tradition historique. La fugacité de floraisons éclatantes vient en contraste aux céramiques et à la beauté minérale des jardins. L'extravagance des impressions répond à l'équanimité de la servante.

Nous autres Japonais avons appris de notre archipel tourmenté l'implacabilité du malheur. C'est par cet accablement natif que nous avons su transformer notre contrée de cataclysmes en éden, en quoi les jardins de nos temples sont l'âme de ce pays de désastre et de sacrifice.

p. 152

Cet attachement à un esthétisme étudié fait écho à la recherche de la perfection du luthier dans le roman de Mizubayashi. Cette quête d'harmonie pour combler l'absence de figure paternelle réunit Rei et Rose. Les deux auteurs ne font pas évoluer leur protagoniste dans un monde devenu idéal par l'aboutissement de leur recherche. Si l'héroïne de Barbery est envoûtée par l'art de vivre et l'architecture traditionnelle japonaise, elle est consciente que Kyōto est une grande ville avec ses quartiers impersonnels. De même Rei doit faire face aux contingences de la vie.
Les parallèles entre ces deux textes sont nombreux, jusque dans une représentation avantageuse de la culture de l'autre.

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En entretien avec Tewfik Hakem pour le réveil culturel de France Culture