Le livre des départs
En nous plaçant entre départs et arrivées, l'écrivain francophone d'origine bosniaque nous implique dans la question des identités... et du prix social de l'intégration.
Par cette ouverture, l'auteur se présente en individu fort et solide. C'est masquer une fragilité que le narrateur est prompt à dissoudre dans l'alcool. Čolić est cependant conscient que sa situation est plutôt enviable : rien ne le distingue physiquement du Français qu'il aimerait devenir. Ses difficultés d'intégration provoquent pourtant une mélancolie qui le ferait douter des traumatismes subis à la guerre.Je m'appelle Velibor Čolić, je suis réfugié politique et écrivain. Entre le ciel et la terre, j'occupe un espace de 107 kilos et de 195 centimètres. Je suis polyglotte. J'écris en deux langues, le français et le croate. Mais il me semble que maintenant j’ai un accent, même en écrivant. C’est ainsi. Ma frontière, c’est la langue ; mon exil, c’est mon accent.
J'habite mon accent en France depuis vingt-six ans. Toute une vie, en fait. Et je me sens bien, tellement bien qu’il m’arrive souvent de penser : tiens, je suis français.p. 11
Il découpe son roman en courtes tranches volontiers facétieuses, parfois rustres pour masquer les blessures d'un départ vers une destination si lointaine à atteindre. “Les chapitres sont courts, instables, libres. Des lucioles de [sa] propre autobiographie”.Je suis le chien de la gare. Je passe mon temps dans les couloirs malades, obscurs de la gare de Strasbourg. Je découvre et je savoure cette double tristesse, de ceux qui partent et de ceux qui restent, je me déplace à la lisière de deux mondes. J’aère mon exil. Je le sors comme un chien qui renifle des arbres au parc et aboie sur les étoiles.
p. 50
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Les écrivains face au virus