A Brief History of Japan

A Brief History of Japan, Samurai, Shōgun and zen. Clements Jonathan, Tuttle 2017

AnrakuJi Kyoto

Temple Anraku-ji, Kyōtō

La spécificité du Japon dans le contexte extrême-oriental provient essentiellement de son insularité. La mer protégeant l'Archipel de grandes invasions mais n'empêchant pas, par le détroit de Tsushima et dans une moindre mesure par Sakhaline, les influences extérieures. Ces dernières se sont exercées par vagues successives et ont occasionné un développement plus discontinu que dans les pays proches.
L'aperçu de Clements sur l'histoire japonaise s'adresse explicitement à un large public et adapte son style en conséquence, une forme littéraire qui cherche à garder le lecteur jusqu'à la fin du volume, pas totalement convaincante. Il met toutefois en relation les événements au Japon, en Extrême-Orient et dans les pays industrialisés. Il relève aussi les fragilités qui pèsent sur la politique japonaise au début de ce XXIe s. : l'émancipation de la jeunesse et le changement d'attitude des entreprises, le vieillissement de la population et la dénatalité.

Les interactions avec le continent asiatique et l'insertion dans le système de consommation à l'occidentale ont particulièrement retenu mon attention et auraient pu faire l'objet d'une vignette de mes instantanés 🇯🇵
L'écriture se développe tardivement dans l'archipel avec les sinogrammes et les premiers sources écrites, le Kojiki (en langue japonaise) et le Nihon-shoki (en chinois) sont rédigés vers 710. Ces récits fondateurs laissent une part importante à un passé mythique mais, croisés à quelques textes contemporains, attestent des interactions avec la Chine et la Corée : des populations de ces deux pays ont pu trouver refuge dans l'archipel nippon.
À d'autres occasions ce sont des émissaires qui rapportent les nouvelles tendances du continent. De nombreuses caractéristiques de l'habitat Tang ont ainsi influencé, jusqu'à récemment, l'architecture japonaise. C'est également du continent qu'est parvenue une forme sinisée du bouddhisme. Cependant le Japon n'a pas adopté ces apports mais les a plutôt adaptés à ses particularités : le shintoïsme a ainsi complété ses déités par des éléments bouddhiques. Il n'est donc pas si étonnant que temples et sanctuaires soient imbriqués les uns dans les autres.


Kukai OkaDera Asuka

Représentation de Kūkai au temple Oka-dera d'Asuka

Après avoir été introduit probablement pendant le règne du Prince Shōtoku (574-622), le bouddhisme a connu un nouvel essor quasiment deux siècles plus tard lorsque des moines sont allés en Chine étudier les sources de cette religion. Saichō et Kukai en sont revenus pour fonder deux des principales écoles du bouddhisme japonais, respectivement le Tendai et le Shingon. Paradoxalement cet apport a eu lieu alors que cette religion était en voie d'exclusion de la Chine en raison de son origine indienne.
Cette influence du continent se retrouve encore dans l'usage des sinogrammes et leur développement spécifique. La prononciation des kanjis n'est pas la même qu'en mandarin et l'adoption d'un syllabaire spécifique a notamment permis aux Japonais d'indiquer notamment les formes conjuguées des verbes.
L'origine quasiment divine des empereurs et impératrices impliquait des engagements rituels peu compatibles avec l'exercice du pouvoir. Des responsabilités que de nombreux empereurs ont déclinées en abdiquant préférant profiter de leur influence pour l'exercer depuis les coulisses. Par ailleurs, les contraintes concernant la pureté de la famille impériale a fortement restreint le nombre de candidats éligibles, d'autant que les luttes fratricides ont contribué à écarter du pouvoir des clans entiers. Les périphéries restant vulnérables par leur proximité avec la Corée et la Sibérie, ces évincés y sont envoyés afin de tenir les barbares à distance. Leurs généraux, shoguns, deviendront de fait les dirigeants dictatoriaux du Japon de la fin du XIIe s. jusqu'en 1868. Après avoir été la caste guerrière nippone, les samouraïs évoluent progressivement vers le fonctionnariat lorsque le régime féodal des shogunats pacifie le pays, notamment en contenant les rébellions paysannes de Kyūshū, soutenues par des communautés christianisées.
À la fin du XVIe s. les nations européennes, sur fond de conflits entre protestants et catholiques, exercent une forte pression commerciale sur l'Asie orientale. Pour éloigner la menace que représentent ces valeurs étrangères, les missionnaires sont renvoyés, les chrétiens réprimés et le commerce strictement contingenté. Les Hollandais et les Chinois gardent un accès très limité à Nagasaki et les Coréens à l'île de Tsushima; les Japonais sont interdits de quitter l'archipel. C'est le sakoku, la fermeture du pays, de 1650 à 1854.
Conscients que le monde évolue, un groupe de traducteurs nippo-néerlandais peut exercer à Nagasaki et permet de faire circuler les nouvelles connaissances, en particulier en ce qui concerne les développements de la médecine. Cette institution est connue sous le nom d'études hollandaises. Si le Japon est peu industrialisé, c'est pays auto-suffisant dont les forêts sont bien gérées, la pêche abondante, l'hygiène des villes bien meilleure qu'à l'étranger. et le commerce intérieur très performant. Ce dernier bénéficie de la règle du sankin kōtai qui contraint les seigneurs à passer une année sur deux dans la capitale et exige des rotations fréquentes de postes. Cette organisation nécessite un réseau performant de routes et de structures d'accueil pour loger les imposants convois de courtisans. Elle implique aussi un équilibre entre l'homogénéisation du territoire et la mise en valeur de particularités locales, toujours visible dans la promotion du tourisme intérieur. Leur branche se développant, les marchands acquièrent du pouvoir. Ils sont cependant traités avec hauteur par les samouraïs, mais ne sont pas astreints à leurs obligations aristocratiques.
À la fin du XVIIIe s., la pression des nations coloniales pour rompre l'isolement commercial du Japon se renforce. Occupés par les guerres napoléoniennes, les Hollandais acceptent que plusieurs navires américains commercent sous leur pavillon à Nagasaki. En juillet 1853, le commodore Perry de l'US Navy entre avec quatre navires de guerre dans la baie de Tokyo où il exhibe sa puissance de feu. Le shogunat est forcé, l'année suivante, de signer un accord de paix et d'amitié les États-Unis, traité de type colonial très défavorable au Japon. Cette convention de Kanagawa marque la fin du règne des shoguns, qui sont contestés pour avoir failli à leur tâche initiale de «grand pacificateur des barbares». Le pouvoir est repris en 1868 par l’empereur, c'est la Restauration Meiji.
En quelques années l'Archipel reprend ce qu'il estime le meilleur des nations modernes. Le Japon est métamorphosé par une industrialisation forcée et l'abandon du système de castes. Cette transformation est un mélange de sursaut nationaliste (rejet du bouddhisme au profit du shintoïsme, par exemple), d'adoption de la société industrielle occidentale et de visées coloniales, notamment en direction de la Chine affaiblie. Cet essor permettra au pays de s'associer aux alliés de la Première guerre. Frustrées de ne pas récolter les dividendes de ces efforts, en particulier de ne pas être admis au sein de la Société des Nations avec les mêmes droits que les puissances européennes et que les États-Unis, les autorités japonaises s'allient avec l'Axe pour la Seconde guerre mondiale. Il s'ensuit un anéantissement douloureux dont le pays se relève avec succès grâce à une discipline et une assiduité au travail remarquable.
Le Japon saura-t-il surmonter avec autant de succès les nouveaux défis liés à la reconfiguration géopolitique actuelle et au vieillissement particulièrement important de sa population ?

Site de l'éditeur
La naissance des îles du Japon selon le Kojiki, Patrick Prado