Penser les religions
Le terme religion évoque rigidité dogmatique, tradition et inertie. Ce sont ces préjugés que Philippe Borgeaud, professeur honoraire d'histoire des religions, déconstruit.
Dans certaines régions du monde et même dans de nombreuses paroisses d'Europe ou des États-Unis, affirmer qu'on peut vivre sans profession de foi ne va pas de soi. Sous le regard attentif de pratiquants qui ne sont pas nécessairement des intégristes, et dont certains ne sont même pas croyants, il paraît incongru de ne pas adhérer à un regroupement religieux. Le plus souvent, et c'est heureux, ces pratiquants affichés ne voient aucun problème à ce que le choix religieux des autres soit différent du leur, mais ils en attendent un chez l'autre aussi.
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L'approche occidentale a tant influé notre pensée que les autres religions ont été jaugées à l'aune du christianisme. En particulier le polythéisme a été assimilé à l'idolâtrie alors même que l'affirmation du monothéisme chrétien est tardif.Le christianisme, décidément, n'en finit pas de justifier sa primauté, à l'aide d'histoires censées expliquer l'origine des paganismes et des superstitions rencontrés de par le vaste monde.
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Borgeaud oppose la similarité des gestes rituels dans les différentes spiritualités et la singularité chrétienne d'un lien entre l'homme, comme individu, et son dieu. Le terme religion dérive d’ailleurs de lier, religare en latin.
En s'affranchissant d'un attachement moral à une doctrine, l'auteur peut questionner la laïcité moderne. S'il observe un large consensus pour reconnaître le droit d'autrui à avoir une autre religion que soi, il s'interroge sur la difficulté d'admettre que l'on n'en ait pas. Bien que pertinente cette remarque me semble insuffisante. En effet, plus que par l'absence revendiquée de religion, je suis intrigué par la crédulité ambiante qui facilite la diffusion des thèses complotistes, comme si la sécularisation de nos sociétés contemporaines donnaient libre champ à quelques personnalités pour devenir des gourous plus ou moins éphémères. Cette réalité attesterait-elle de la nécessité pour l’homme de se soumettre à des croyances ?
John E. Jackson pour Le Temps
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