Sur la Chapelle

Bürki Adrien. Sur la Chapelle : Récits. L'Aire, 2019.

La toponymie d'un lieu-dit peut aiguiser la curiosité. Lorsque quelques vestiges sont mis à jour, l'intérêt devient plus vif et incite à approfondir les recherches.
C'est ainsi que quelques «Tya-Lo» ont décidé de mettre en valeur les pierres retrouvées sur le site de la "Masure (ruine) de la chapelle". Legs du terrain à la commune, interventions politiques en vue d'installer un mémorial rappelant l'existence de cet édifice dédié à Saint-Légier.
En suscitant l'intérêt d'Adrien Bürki, ces passionnés offrent la possibilité de lire un beau récit.

Sous la forme d'un recueil de quatre nouvelles, l'auteur nous fait entrer dans l'histoire locale. Le choix des mots situe ces textes dans un passé, parfois lointain. Ce qui n'empêche pas Adrien Bürki d'adopter une syntaxe contemporaine. Les variations dans le rythme, l'enchevêtrement. des sonorités et des références visuelles conviennent bien à cette forme brève.

La tempête souffla le deuil toute une semaine puis cessa brusquement. Les premiers à mettre le pied dehors, clignant des yeux, les poumons piqués de givre, ne reconnurent le paysage qu'à grand-peine : les habitations, les granges, étaient presque invisibles, d'immenses congères s'y adossant, qui étincelaient sous le soleil revenu. Le chantier de la chapelle, dont les échafaudages avaient miraculeusement résisté, semblait quelque créature fantastique, un grand hérisson blanc. Les habitants du domaine avançaient comme en rêve. Les plus grands enfonçaient dans la neige jusqu'en haut des cuisses, les chiens devenaient fous à y bondir. Tout brillait, la neige blanche aux ombres bleues, et en bas l'ardoise du lac.

p. 11

Quatre nouvelles qui sont comme des jalons de l'histoire de l'édifice. Elles font référence à des événements météorologiques particuliers car en ce temps-là, c'était la nature qui permettait de dater les étapes d'une vie. Ces récits s'intéressent aux habitants de la localité et sont le fruit d'une recherche documentaire fouillée.
La chapelle devient une entité avec sa vie propre, fil conductrice de l'ouvrage, qui de ce fait transcende sa dimension régionale.

L'histoire du village lui apparaissait comme un long ruban déchiré et troué, retors, qui ne se laissait dévider qu'avec réticence, et qu'elle rapiéçait comme elle pouvait alors même qu'il tombait en lambeaux sous ses mains. La mémoire des plus vieux était capricieuse, qui se souvenait de détails futiles mais à qui l'essentiel se dérobait.

p. 64



Sites archéologiques – vd.ch
Jean-François Schwab pour Le Temps