Les toupies d'Indigo Street

Gagnière Guillaume. Les toupies d'Indigo Street. D'autre part, 2020.

La filiation de ce premier texte publié de Guillaume Gagnière avec l'œuvre de Nicolas Bouvier est revendiquée. L'auteur nous apprend que l'essence du voyage est plus profonde que la collection d'instantanés qu'il nous offre, soigneusement colorés par une langue savoureuse. Le cisèlement des phrases révèle l'influence de son prédécesseur.
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Les recherches, conduites pour son mémoire universitaire, sur l'auteur de L'usage du monde ont orienté le voyage initiatique du jeune genevois. Ce parcours en Asie du Sud-Est et au Japon n'a cependant rien d'une réplique de l'épopée de son mentor.
Indigo St
Il le décrit comme un projet d'écriture autour d'un voyage de jeunesse. Nulle intention de faire de ce périple polymorphe une aventure. Gagnière paraît vouloir vivre pleinement cette année de découvertes avant d'en partager les expériences par l'écriture. L'auteur recherche les sensations physiques, notamment celles que lui procure le surf, tout en se nourrissant spirituellement.

Pendant une balade, le soleil éclaire un graffiti sur un muret. Une petite fille regarde au loin avec dans les yeux toute la tristesse tranquille de la ville. Alentour, des gratte-ciels et de vieilles baraques de pêcheurs délabrées. La scène dégage une sorte d’inutilité nécessaire, une jolie saudade. Je me dis qu'un jour, peut-être, la beauté parviendra à consoler ce qui grince en nous.

p. 24

Le titre fait allusion au séjour de Bouvier à Galle, Sri Lanka, lieu où il a profondément éprouvé, physiquement et mentalement, les aléas du voyage, dont Le Poisson-scorpion est la trace. Dans son récit, Gagnière fait transparaître un besoin de ressentir dans son corps les stigmates du voyage, “une forme d'autoflagellation, peut-être un reliquat de notre conception judéo-chrétienne de l'expiation.” (p. 106)
Comme son aîné, l'auteur inscrit son périple dans une recherche de sens. Une des étapes de ce voyage protéiforme a été le pèlerinage des 88 temples de Shikoku. Subtilement, il suggère la richesse de l'expérience en insérant quelques lignes brutes de son carnet de notes. Son récit ne saurait être exhaustif. Avec ces images (furtives ?), Guillaume Gagnière nous invite à découvrir le potentiel des pages blanches de nos vies.

Six bières et une trentaine de sushis plus tard, nous nous isolons pour un temps, chacun avec son téléphone : amis, famille, j'engloutis ce que je peux de nouvelles. Étrange, cette époque de l’hyperconnectivité, l'impression parfois d’être à cheval entre deux réalités.

p. 37



Marlène Métrailler pour RTS - vertigo
Jean-François Schwab pour Le Temps
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