Guibord s'en-va-t-en guerre

Guibord s’en va-t-en guerre, de Philippe Falardeau (Canada, 2015), avec Patrick Huard, Suzanne Clément, Irdens Exantus, Clémence Dufresne-Deslière, 1h48

Le vote du député indépendant Guibord qui représente une petite circonscription rurale dispersée du Québec, Prescott-Makadewà-Rapides-aux-Outardes, va déterminer si le Canada participe ou non à un engagement international dans un conflit du Moyen-Orient. Le pitch de Philippe Falardeau offre une bonne occasion d'analyser la démocratie au temps des interventions armées en son nom et de l'essor des régimes autoritaires et illibéraux,

Je voulais dire que la politique, c’est un champ plus vaste, plus profond, que l’actualité. Et le dire à travers un film divertissant, pensé et réalisé de telle façon que tous les spectateurs, même les plus exigeants, y trouvent leur compte.

Philippe Falardeau



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La pirouette de l'abstention n'étant pas une option pour dépasser son indécision, Guibord prévoit de consulter ses administrés. Suivi par Souverain, un stagiaire haïtien qui a sa propre conception de la démocratie, le député parcourt son comté. Alors que l'enjeu du vote est national, voire international, ses électeurs veulent des réponses à leurs problèmes immédiats : la liberté d'entreprise pour les uns et la préservation des droits autochtones pour les autres.
Confronté aux barrages routiers des deux camps, Guibord est empêché de rencontrer ses administrés. Les vagues promesses faites aux contestataires ne suffisent pas à libérer les routes des obstacles que toutes les parties souhaitent pourtant. Cet imbroglio illustre les limites d'élus pris entre leur désir, le plus souvent sincère, de servir la collectivité et la visée à long terme du champ politique.
L'audience sollicitée par le Premier ministre illustre le pouvoir que confère la politique. le chef du gouvernement flatte Guibord pour le convaincre d'adhérer à son opinion et lui promet un poste ministériel s'il se rallie à son groupe. L'offre est séduisante, d'autant que le Premier ministre paraît pouvoir se ménager du temps pour s'adonner à un goût éclectique de la musique.
Guibord réalise qu'une position de pouvoir ne pourrait pas l'aider à améliorer la vie de ses administrés, sa vocation. Il s'engage alors pour répondre au plus près de sa conscience à la question qu'il doit trancher, avec le soutien de son comté.
Tout en restant dans la tonalité de la comédie, Falardeau qui a étudié la politique et les relations internationales, use de ses compétences pour démythifier le pouvoir de l'élu. Le regard de Souverain et de ses proches haïtiens et les interviews de la localière révèlent aussi le caractère utopique de la vraie démocratie.

[…] notre cynisme par rapport à la démocratie a aussi contribué au pourrissement de notre système. Nous réclamons plus de pouvoir pour nos députés d’arrière-ban. Nous trouvons que la ligne de parti empêche les députés de voter dans l’intérêt des citoyens de leurs comtés. Nous reprochons au mode de scrutin de ne pas être représentatif. Le film se veut en quelque sorte un laboratoire, dans lequel on remplit ces trois conditions, pour voir ce que ça donne. Et le résultat, c’est un bouillon explosif d’intérêts contradictoires. La démocratie pure, c’est de la science-fiction.

Philippe Falardeau



Internet Movie Database
Présentation du film pour Ciné-Feuilles
Antoine Duplan pour Le Temps
Raphaële Bouchet pour la RTS
Rapport sur l'état de la démocratie dans le monde
Dossier de presse