La nuit des pères

Josse Gaëlle. La nuit des pères. Les éditions Noir sur Blanc, Notabilia, 2022.

La présence de la montagne est obsédante. Sa masse imposante écrasante. Quand Isabelle revient dans la vallée où elle est née, après plusieurs années d'absence, c'est avec appréhension.

Du jour où j'ai découvert l'eau, l'apesanteur du corps, même dans l'effort, j'ai su que j'étais dans mon élément. Je me suis toujours méfiée de ta montagne, enfant, une terreur obscure, que cette masse nous anéantisse, nous perde ou nous détruise. Qu'elle se réveille.

p. 75

Cet environnement est celui dans lequel le père a excellé comme guide de montagne. Un refuge qui lui a évité de se confronter aux autres et même à sa fille. Si elle renoue, c'est davantage par solidarité pour Olivier, le frère, qui accompagne l'homme vieillissant en train de perdre ses repères.

Les lignes de sa main qui devaient ressembler à du fil de fer barbelé, j'aurais voulu lui en inventer des neuves.

p. 167

Le phrasé de Gaëlle Josse, le "tu" cinglant de la narratrice ont une force pour décrire le mur d'incompréhension qui sépare Isabelle de son géniteur. Ses descriptions, nimbées de poésie, donnent un rythme qui embarque dans le récit. Ce roman serait “les nuits du père”. Il montrerait comment, au seuil de l'absence, la parole libérée, loin de briser tout le mystère, ouvrirait à l'amour et permettrait de grandir.
L'autrice a pourtant préféré que chacun de ses protagonistes présente ses fêlures ; elle nous incite ainsi à mettre en concurrence les épreuves subies. En variant le style des confidences elle reconnaît à chacun la possibilité de se libérer à sa manière de ses charges.
Ce qui rend plaisant sa syntaxe, les descriptions qui se construisent par traits successifs, est paradoxalement ce qui, appliqué à la trame, en atténue l'intensité dramatique.

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Nicolas Julliard pour RTS culture