Métamorphoses d'une femme

Louis Edouard, Combats et métamorphoses d'une femme. Seuil, 2021.

Les romans d'Edouard Louis, incisifs, ont une forte composante autobiographiques. Cette mise en valeur de soi, le lien entre homosexualité et ascension sociale font de l'auteur une personnalité d'autant plus clivante qu'il se positionne politiquement. En affichant son plaisir à fréquenter des établissements luxueux, celui qui est né Eddy Bellegueule transgresse les codes sociaux. Cette revanche sur l'ordre établi irrite.

Une autre question est-ce que je peux comprendre sa vie si cette vie a été spécifiquement marquée par sa condition de femme ?
Si je suis construit, perçu et défini par le monde qui m'entoure comme un homme ?

p. 39

Et Édouard Louis ne boude pas son plaisir en devançant ses détracteurs : son roman n'est pas de la littérature puisqu'il en viole les codes.
Combats et métamorphoses d'une femme est espiègle. Il y ressert la même thématique d'une adolescence douloureuse, mais en mettant plus de nuances il rend le propos moins tranchant, moins egocentré. Ce ton moins polémique rend le roman d'autant plus percutant.

Après la vindicte d'En finir avec Eddy Bellegueule, l'auteur prend de la distance avec le passé et se départit d'une posture de victime. Cette évolution ne l'empêche toutefois pas de révéler de nouveaux préjudices. La dualité de la mère, dépendante de l'homme mais soucieuse de sa progéniture, en fait une potentielle alliée. La soumission à la loi patriarcale empêche le narrateur d'affirmer son orientation sexuelle, mais pas d'exercer lui aussi une violence virile à l'encontre de sa mère.

On m'a dit que la littérature ne devait jamais ressembler à un manifeste politique et déjà j'aiguise chacune de mes phrases comme on aiguiserait la lame d'un couteau.

p. 19

L'émancipation de cette femme, sa volonté de rompre la fatalité de relations conflictuelles ouvrent l'auteur à une vision plus sensible de son histoire. Elles l'obligent à reconsidérer sa propre responsabilité dans un système familial perturbé.
La reprise répétée de la même histoire souligne l'indélébilité de cette souffrance, mais le détachement qu'elle permet confirme le pouvoir des mots dans l'apaisement. Ces versions successives apportent des éléments d'analyse et de compréhension qui vont au-delà d'une représentation binaire de la réalité.

Julien Burri pour Le Temps
Le site de l'éditeur
Entretien avec Anne-Laure Gannac pour Vertigo-RTS
Entretien avec Olivia Gesbert pour La Grande table – France Culture
Entretien à la manufacture des œillets