Camus, l'art de la révolte

Abd Al Malik, Camus, l'art de la révolte, Fayard, 2016

L'attitude au mieux est inconsciente, mais ça ne change rien à l'état de fait. Lorsqu'un pays est aveugle à une partie de lui-même depuis trop longtemps, il devient urgent de magnifier, vital de rassembler.

p. 113


La lecture de L'étranger de Camus dans le cadre scolaire a permis à l'auteur de s'arracher à son milieu. L'auteur lui inspire la fidélité à son milieu, celui des cités de Strasbourg, en en devenant le porte-voix.

La rencontre littéraire avec Camus s'opérait en moi. Elle mariait naturellement les paradoxes. Quelque chose de l'ordre de l'intuition y épousait, avec une absolue évidence, la complexité du raisonnement. Cela s'incarnait dans un de ses personnages, une de ses phrases, ou bien simplement, précisément, dans un seul de ses mots.
En même temps, l'autre rencontre, celle plus troublante du reflet, grandissait. Camus enfant, dans son quartier d'Alger, n'était pas malheureux non plus. Dans la rue, il y avait d'autres enfants de partout, des Algériens, des Espagnols, des Marocains. Et puis, il y avait la lumière – « La pauvreté [...] n'a jamais été un malheur pour moi : la lumière y répandait ses richesses. » Des mots aussitôt résonnaient en moi, comme des échos intimes que je connaissais déjà par coeur : « La belle chaleur qui régnait sur mon enfance m'a privé de tout ressentiment. Je vivais dans la gêne, mais aussi dans une sorte de jouissance. Je me sentais des forces infinies : il fallait seulement leur trouver un point d'application. Ce n'était pas la pauvreté qui faisait obstacle à ces forces : en Afrique, la mer et le soleil ne coûtent rien. L'obstacle était plutôt dans les préjugés ou la bêtise. »

p. 45-46




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