Soldat-tortue

Nadj Abonji Melinda, Le soldat-tortue. Editions Métailié, 2023
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je griffonne, je gribouille avec mon crayon, je pose ma tête sur la table, je continue à griffonner, je me mords les lèvres pour que rien, vraiment rien ne les franchisse, pas un cri, pas un chant, rien, mais tout est au fond de moi, sans aucun doute, pour toujours.

p. 57


Zoltán – Zoli – est embarqué dans une guerre qui n'est pas la sienne, lui dont l'enfance a déjà été chahutée. Anna, sa cousine, vit le conflit à bonne distance de l'imbroglio balkanique; elle est établie en Suisse.
L'un et l'autre éprouvent les conséquences de ce conflit, les comportements abjects qui ont libres cours dans ce temps d'exceptions.

Zoli, massacrer, détruire, tuer, on met tout ça dans notre berceau, on le plante dans notre cerveau avant même que nous sachions penser, voilà ce que nous dit Crnjanski – oh Jenö, oui, d'un seul coup nous n'étions plus rien, chacun rien que sa propre peau, dans l'uniforme, la nuit, le ciel et sa parure étaient éteints, Jenó n'a pas cessé de citer Crnjanski, entre-temps il comptait les années nous séparant du moment où nous serions mûrs pour la bataille

p. 101


L'absurdité de la guerre transparaît dans une certaine confusion de la langue : la logorrée de Zoltán, apparemment sans filtre, et l'expression de douleur de Anna, plus structurée, et pourtant altérée par le tourment psychique. Un rythme de nature archaïque pour manifester la répétition des drames et l'injonction à la violence.

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Isabelle Rüf pour Le Temps
Notice viceversa littérature