Lamb

Lamb de Yared Zeleke (Ethiopie – France – Allemagne – Norvège 2015), avec Rediat Amare, Kidist Siyum, Welela Assefa, Rahel Teshome, Surafel Teka, Indris Mohamed, Bitania Abraham. 1h34.

Récit de formation, le film de Yared Zeleke, réalisateur éthiopien, insère dans un somptueux décor des réminiscences de son enfance. Ce retour aux origines, souvent elliptique, renforce l'onirisme de cette œuvre.
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La discordance entre l'image et les faits révèle une certaine ambivalence teintée de nostalgie. Après avoir passé sa petite enfance en Ethiopie élevé par sa grand-mère, Zeleke a rejoint son père aux Etats-Unis où il avait fui le régime Mengistu.
Ephraïm, le jeune héros, est placé par son père Abraham chez sa tante qui vit dans une région relativement épargnée de la famine qui a pris sa mère. Le bus jaune et vert qui les emmène pourrait symboliser le passage d'une zone désertifiée à ce pays de hauts-plateaux et de collines restées vertes. Un moyen de transport si coûteux que, malgré tous ses efforts, Ephraïm n'arrivera pas à payer pour remonter le temps.
Il est condamné à rester dans ce nouveau foyer dans l'attente du retour du père parti tenter sa chance en ville. Zeleke lui-même a vécu dans un bidonville d'Addis-Abeba avant de partir retrouver son père. Un environnement assurément plus sombre que celui des terres volcaniques qui pourtant ne sont pas un eldorado. Si les femmes qui le reçoivent sont plutôt conciliantes, le cousin Salomon est franchement hostile. Il moque son attachement à son mouton Chuni, hérité de sa mère, et son talent culinaire. Il est bien décidé de faire d'Ephraïm un vrai homme.
Ephraïm essaie de retourner d'où il vient, de retrouver un passé idéalisé. Il est prêt à affronter des épreuves pour fuir le présent. Il s'engage à pied, mais la quête échoue dans une forêt infranchissable. Quand il entreprend de vendre des samossas au marché, des adolescents désœuvrés volent ses maigres recettes ou l'agressent.
La situation paraît sans issue quand Salomon menace de tuer le mouton pour la prochaine célébration religieuse de la Croix. Cette provocation contraint Ephraïm à se montrer plus audacieux. Il met son mouton en lieu sûr et assume plus franchement ses choix. Cette maturité conduit à une grande fête qui pourrait être celle de son accession au monde des adultes.
Ce scénario, aux allures de conte initiatique, aborde de manière sous-jacente diverses problématiques du développement : l'exode rural bien sûr, les questions de genre en lien avec le patriarcat et l’éducation des femmes. La cousine Tsion, toujours plongée dans son journal, cherche les causes des famines récurrentes et milite pour un véritable changement de régime. Zeleke aborde aussi la question des religions en montrant une cohabitation plutôt pacifique entre chrétiens, musulmans et juifs. Il tait par contre les dissensions entre ethnies qui déchirent actuellement l’Éthiopie.
Salué comme réalisateur cherchant à développer un cinéma éthiopien, Yared Zeleke reste critiqué en raison de ses biais occidentaux. Probablement que sa formation et la production multinationale amplifient ce travers moralisateur.

L’Éthiopie ne correspond pas aux images qu’on se fait de l’Afrique, de l’extérieur. Nous vivons sous un climat tempéré, dans des paysages montagneux qui nous ont formés. 70 % des montagnes d’Afrique se trouvent en Éthiopie. C’est une vieille terre chrétienne, à la population très jeune, et il n’y a pas chez nous de passé colonial, donc pas d’arriérés. Notre histoire, c’est trois mille ans de monarchie. Moi, je viens d’un lieu qui connaît beaucoup de conflits mais qui offre aussi beaucoup d’amour et beaucoup de beauté.

Yared Zeleke
Le Figaro, 30 septembre 2015 cité sur Canopé



Présentation du film pour ciné-feuilles
Norbert Creutz pour Le Temps
Sur Internet Movie Database
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