Sunset Park

Sunset Park, Paul Auster, Actes Sud, Babel, 2011

Lorsque mis sous pression Miles décide de revenir à New York, il ne se doute pas que son fidèle ami Bing lui propose un logement dans un squat foireux.
Hudson St Brooklyn

Hudson St, Brooklyn

La petite communauté de Sunset Park a déniché une demeure abandonnée, “une petite maison biscornue en bois, avec un étage et, sur le devant, une véranda couverte” qui ressemble davantage à un corps de ferme du Minnesota qu'à un immeuble New Yorkais. Elle fait face au cimetière de Green Wood dans un quartier que l'on qualifiera de multiculturel, pour ne pas insister sur sa décrépitude.
Rongé par la culpabilité, Miles fuit le chemin tracé pour lui. Il trouve un emploi en Floride dans la liquidation de maisons abandonnées par les déshérités des subprimes. Victime d'un chantage, il rentre à New York. Inimaginable pour lui, de retourner chez son père, il va plutôt loger à Sunset Park.

Il n'avait jamais connu aucun des conflits dont il avait si souvent été le témoin entre ses amis et leurs pères, des garçons aux pères portés sur les gifles, ces pères qui criaient, ces pères agressifs qui poussaient leur fils de six ans apeuré dans la piscine, ces pères méprisants qui se moquaient de leurs fils adolescents parce que ceux-ci, n'aimaient pas la musique qu'il fallait, ne portaient pas les vêtements qu'il fallait, les regardaient comme ils n'auraient pas dû, ces pères anciens combattants qui assommaient de coups leurs fils de vingt ans qui s’étaient opposés à la conscription, ces pères faibles qui avaient peur de leurs fils devenus adultes, ces pères renfermés qui n’arrivaient pas à se souvenir du prénom des enfants de leurs fils.

p. 169-170

Bing, Alice et Ellen n'ont que le choix de la précarité pour vivre pleinement. Contrairement à ce que connurent les héros du baseball de jadis, le rêve n'opère plus. Par ses multiples références au film Les plus belles années de notre vie , Auster ancre l'idéologie d'une Amérique conquérante au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Comme Koelb, dans Made in Trenton, il note la rupture entre les générations provoquée par le Vietnam.
Est-ce le changement du rôle des pères qui implique un changement d'époque ?

Critique d'André Clavel pour Le Temps
Critique du Monde
Site de l'éditeur