Burning Days

Burning Days (Kurak Günler), d’Emin Alper (Turquie, 2022), avec Selahattin Paşali, Ekin Koç, Erol Babaoglu, Erdem Şenocak, 2h09

Presque tous les politiciens populistes finissent par entraîner leur peuple dans des gouffres, ceux de la pauvreté ou de la guerre.

Emin Alper
Dossier de presse


Un jeune procureur, Emre, s'établit à Yaniklar , petite ville d'Anatolie, d'où son prédécesseur a mystérieusement disparu. Il y est accueilli par une juge avenante qui lui présente les spécificités du poste au bord d'une doline, un effondrement subit et impressionnant dans le paysage aride. Cette métaphore du trou va traverser tout le film.
Porteur des codes du citadin Emre détone dans cet environnement rural où les hommes se délectent de leurs exploits de chasseurs. Et, sûrs d'eux, se moquent sans scrupules du magistrat. Cette bravade est le reflet de leur assurance de notables au-dessus des lois. Une invulnérabilité que leurs concitoyens leur concède, les croyant capables de leur assurer l'alimentation en eau. Captages qui provoquent précisément ces effondrements impressionnants sur lesquels le procureur démissionnaire avait débuté une enquête.
Dans cette veille préélectorale, le jeune procureur se présente en magistrat incorruptible, décidé à rétablir la justice à Yaniklar. Les notables n'entendent pas se soumettre et, lors d'un repas bien arrosé chez le maire, les repères d'Emre vont vaciller. S'est-il laissé droguer ou a-t'il seulement abusé du raki ? Que s'est-il vraiment passé avec la jeune rom, un peu simplette, qui s'est invitée à ce repas et qui en est revenue tuméfiée ? Comment se fait-il qu'il ait terminé la nuit chez Murat, journaliste et représentant de l'opposition, réduit à son homosexualité ?
Emin Alper entretient le trouble en suggérant les diverses versions de cette nuit qui défilent dans la tête d'Emre. Ce trou dans les certitudes du procureur, exploité par les notables de Yanikar. Dans cette position de faiblesse, moins pur qu'il le souhaiterait, il assume de poursuivre l'enquête qui pourrait mener à sa culpabilité.
Le rythme de la justice n'étant pas celui de la politique, les élections confirment le maire et sa clique au pouvoir. Ce résultat libère la violence contre ceux qui leur montrent, peu ou prou, une certaine résistance, les Roms, Murat et Emre.
Emre détient par sa fonction un certain pouvoir. Il est désigné comme homosexuel puisqu'il ne profite pas de son statut pour séduire une femme. En s'attribuant une supériorité morale, malgré leurs manigances, les notables dénient à ceux qui n'adoptent pas leurs codes le droit d'exister; ils sont condamnés à s'effacer.
Malgré l'omniprésence des références à la Turquie, le réalisateur dans ce film au rythme soutenu vise davantage les pouvoirs populistes que la situation locale. Il ignore notamment le rôle de la religion, un marqueur spécifique du système d'Erdogan : les mosquées restent silencieuses.

Norbert Creutz pour Le Temps
Internet Movie Database
Dossier de presse Trigon Film
Le contexte politique en Turquie à la veille des élections de mai 2023 :
Histoire vivante – Traité de Lausanne - Il y a cent ans, entre revanche et abandon

blogEntryTopper