Sous le ciel des hommes

Meur Diane, Sous le ciel des hommes . Sabine Wespieser, 2020.

En évoluant sous le ciel hivernal d'un petit pays, synthèse de Suisse et de Luxembourg, des femmes et des hommes en tissent la complexité.

Oui, je pensais d'une part à cette obsolescence de l'homme, à la monstruosité et à la bizarrerie, au fond, d'un modèle de société humaine où l'humain est de trop sauf en tant que consommateur

p. 305

Dans ce décor suintant la prospérité, le roman de Diane Meur se déroule sur deux trames : l'écriture et  la migration. Journaliste à succès, Jean-Marc Féron se voit proposer par son éditeur un témoignage sur sa cohabitation avec un migrant. Pour donner de l'étoffe à ce récit, il est nécessaire de trouver la bonne personne, capable de communiquer tout en appartenant à une autre sphère socioprofessionnelle.
Pendant que ce projet s'enlise inexplicablement, quelques activistes élaborent un pamphlet interrogeant la politique nationale. Les ressorts qui sous-tendent la conception de ces deux textes s'entrecroisent. La pression de l'éditeur et la synthèse d'un "maître à penser" permettent aux démarches d'évoluer.

Oui, les abords de la gare sont un de ces endroits où il semble à Ghoûn que la vie est encore possible, qu'il y place pour la débrouille, l'aubaine. Une fin de marché, ici, c'est une moisson de légumes fripés et de fruits abîmés que des gens comme lui ramassent. Dans les quartiers plus riches, tout ce qui traîne est immédiatement nettoyé par les balayeurs municipaux. Et au Bornu, c'est encore autre chose; au Bornu il n'y a pas de marchés, seulement des grandes surfaces.

p. 120-121

Que certains cherchent les mots les plus adéquats pour transcrire leur vision, n'empêche évidemment pas les habitants de Landvit de poursuivre leur existence. En particulier certains des migrants que croisent Hossein, le colocataire de Féron, essaient de se fondre dans ce nouveau lieu de vie.
Alors que la démarche d'écriture tend à figer la situation, la réalité de la population reste beaucoup plus fluide, voire flottante, ne serait-ce que parce que la typologie des quartiers évolue avec le temps. Diane Meur sait faire ressortir la tension entre une réalité complexe et sa description forcément partielle, si ce n'est partiale.

Le site de l'éditeur
Entretien avec Nicolas Julliard pour QWERTZ–RTS
Jean-Bernard Vuillème pour Le Temps