Les populations contraintes d'émigrer depuis les terres africaines ont cherché secours dans leurs ressources spirituelles pour survivre à leurs difficiles conditions d'exploitation. Comme le relève Gates, il ne s'agissait pas uniquement de religions traditionnelles africaines, mais aussi de l'islam, étant donné la présence significative de musulmans en provenance de Sénégambie.
Une partie des migrants qui ont colonisé le territoire américain ont traversé l'Atlantique Nord pour fuir l'intolérance religieuse et vivre leur foi hors des carcans de la vieille Europe. D'autres les ont suivis qui considéraient de leur devoir moral d'évangéliser, y compris les populations afro-descendantes captives.

Les hommes libres ne l'étaient pas parce qu'ils étaient chrétiens, mais plutôt parce qu'ils étaient blancs; à l'inverse, les Africains et leurs descendants étaient réduits en esclavage parce qu'ils étaient noirs, qu'ils fussent ou non chrétiens.

p. 51

Les intérêts des uns et des autres divergeaient : les propriétaires d'esclaves craignaient que le message évangélique – et plus encore l'accès aux Écritures – amène un désir d'émancipation. Bien que le message biblique ait été soigneusement tronqué pour éviter de susciter un esprit de rébellion, la notion d'un Dieu libérateur est devenu un marqueur du christianisme noir. Cette conviction se vit par l'expression corporelle et la musique qui singularisent les pratiques cultuelles et qui se répercutent dans toute la société avec l'essor du blues. Cette spiritualité par le corps qui caractérise les manifestations du Saint-Esprit, notamment le « parler en langues » a été reprise par les communautés blanches.

Dans le Sud, où vivait à la fin du XIXe s., la très grande majorité des Noirs récemment affranchis, les églises ont joué un rôle non seulement spirituel, mais aussi culturel et politique. Les grands enjeux de la société américaine – ségrégation, féminisme notamment – y ont été intensément vécus. Dans le contexte d'une désacralisation des sociétés, les Églises noires sont contraintes de se situer : souvent conservatrices dans leur positionnement social, elles sont ébranlées par les discriminations raciales.
Gates dresse un panorama des leaders influents des églises africaines-américaines dès le XVIe s. Leur notoriété a souvent été transmise par des musiciennes et des musiciens qui, alternant les prestations sur scènes et dans les cultes, ont renforcé l'impact culturel de la Black Church. Cette vision large aide à comprendre ce que nous percevons comme des incongruités de la vie américaine.

Site de l'éditeur
Regards protestants

Tags Essai, Livre, Religion, Etats-Unis