Comme la propagande schœlchérienne a «annulé» en l'invisibilisant, la capacité d'émancipation des Noirs, les revendications actuelles voudraient, dans une forme de rétorsion en miroir, «annuler» Schœlcher afin de faire place et droit à l'action des esclaves et leur rendre l'honneur, la dignité d'avoir pris leur destin en mains.

p. 30-31

Le déboulonnage de statues de personnalités controversées pose en définitive plus de questions qu'il n'en résout. Rejeter tel héros de la colonisation dans l'oubli, c'est aussi dénier aux descendants des victimes l'accès à une part de leur histoire. En ce sens, les controverses qui alimentent le débat sur les apports et les dérives de politiques passées nourrissent la démocratie. À l'opposé, statufier l'histoire comme l'impose le Parti communiste chinois avec sa «Résolution sur l’histoire du parti et ses réalisations» empêche toute expression dissidente.

Le geste iconoclaste, si souvent assimilé à une annulation inculte, aiguise, contre toute attente, une sensibilité à l'histoire, et réactive une mémoire que la foule distraite des villes modernes néglige, lorsqu'elle passe tous les jours, en allant au bureau, sous le sabre d'un colonisateur.

p. 17

En relevant les parts d'ombre de personnalités aussi célébrées que Schœlcher, Churchill ou Lincoln, Laure Murat ne nie pas leur stature. Pour elle, leurs décisions restent déterminantes dans l'histoire. Les voix qui les contestent expriment surtout un besoin de considération dans un monde clivé dans lequel s'affronte des puissants peu soucieux du bien-être de la population.

Site de l'éditeur
Marion Police pour Le Temps
On peut plus rien dire – L’Histoire est-elle un mensonge ?
Paris (dé)colonial – Seumboy Vrainom :€
Signe des temps par Marc Weitzmann

Tags Essai, Politique, Société, Histoire