Un homme intègre

Un homme intègre (Lerd) de Mohammad Rasoulof, Iran, 2017

Le long métrage de Rasoulof présente avec subtilité la perversité implacable de la corruption et comment elle favorise les régimes totalitaires. Reza est une forte tête qui est déterminé à rester intègre; le système le broie.

Si vous n’obéissez pas aux valeurs du système, aussi immoral soit-il, vous êtes considéré comme un marginal et un fauteur de troubles.

Mohammad Rasoulof

blogEntryTopper

Le réalisateur traduit très bien la tension entre un idéal d'intégrité et les contraintes de la réalité en opposant les personnalités de Reza et de sa femme Hadis.
Ce contraste lui permet aussi de casser l'image d'une société iranienne déniant un rôle social aux femmes. Hadis est responsable d'une école de filles, une fonction dont on comprend qu'elle n'a pu être acquise que par une certaine complaisance envers le régime. Les décisions qu'elle prononce lui sont parfois ordonnées comme celles que subit son mari et qui le laminent.
Le héros dépeint par Rasoulof n'est pas exempt de défauts, ne serait-ce que parce qu'il produit et consomme clandestinement de l'alcool. Si les ennemis qui convoitent sa ferme piscicole jubileraient de le découvrir, c'est plutôt l'obstination de Reza à refuser tout pot-de-vin qui les agace.
Cette intransigeance cause sa ruine et provoque la colère de Hadis contrainte de payer une caution lorsqu'il est incarcéré pour un motif futile.
Le réalisateur illustre par quelques plans affûtés la corruption du régime : la police mobilise toutes ses forces, abandonnant la poursuite de criminels, pour empêcher qu'une non-musulmane acculée au suicide soit inhumée dans le cimetière. Cet acharnement moralisateur et le laisser-faire pour les problèmes qui gangrènent la société provoquent la lassitude et la division des voix critiques. Une passivité qui révolte lorsque les enfants sont utilisés pour abattre les résistances. Plus que la rigueur du régime, c'est ce règne de l'arbitraire qui est le plus cruellement ressenti par les Iraniens (> Découverte 2016).
Le bain revêt une grande importance dans le film. Même purs lorsqu'ils se présentent à l'autorité, les protagonistes sont considérés avec mépris à l'instar du fils devant le proviseur. Dans les moments décisifs Reza se retire dans une grotte et s'y baigne; cette métaphore d'une profonde intimité relève la force intérieure nécessaire à l'intégrité de l'homme et le dénuement, littéralement, dans lequel il se trouve.

Les structures sociales corrompues [et corruptrices] soit écrasent, soit transforment les gens en un maillon de la chaîne de corruption. Y a-t-il un autre choix ?

Mohammad Rasoulof

Toute tentative d'échapper à l'opposition entre oppresseur et assujetti est vaine, comme le décrète la femme d'Omid à Reza. Omid qui subit la même sanction de l'État que Mohammad Rasoulof, six ans de prison, réduite à un an en appel, peine dont il reste menacé, pour mieux le contrôler.

Internet Movie Database
Présentation du film pour ciné-feuilles
Trigon filmsdossier de presse
Le billet culturel – France Culture de Mathilde Serrell