La petite-fille
Frontière de la Bahnhof Friedrichstrasse, 1989 – Wikimedia
Schlink Bernhard. Die Enkelin. Diogenes, 2021.Er verstand erst recht nicht, dass ich auch sonst nicht in die DDR fahren wollte. Ich will jetzt auch nicht in die neuen Länder fahren. Nicht wegen schöner Bilder und Erinnerungen, die ich retten, und auch nicht wegen hässlicher, die ich meiden wollte. Ich habe kaum Bilder, und so soll es bleiben. In der DDR gab es Stadtpläne von Berlin, Hauptstadt der DDR, auf denen Westberlin nur ein großer weißer Fleck war, eine Terra incognita. Das ist die DDR mit meiner Flucht für mich geworden: ein großer weißer Fleck, eine Terra incognita. Sie gehört erforscht, aber ich habe daran kein Intéresse.
S. 92-93
La partition de l'Allemagne, puis l'unification influencent durablement la société en modelant la pensée des citoyens. Des événements qui permettent à Bernhard Schlink, qui affectionne les récits inscrits sur le temps long, de développer les questions de la transmission entre générations et l'articulation entre parcours de vie et expériences individuelles.
Dans Die Enkelin, édité en français sous le titre La petite fille, l'auteur accentue la question de la transmission en thématisant l'absence du lien intergénérationnel. L'extravagance de son récit permet à Schlink d'illustrer les conséquences de la partition tant pour l'Allemagne occidentale que pour les «nouveaux Lander».

L'intérêt de Kaspar pour la vie au-delà du Mur qui scinde Berlin l'a mené à rencontrer trois générations de femmes conditionnées par l'idéal du socialisme réel. Dans sa jeunesse, il fait le choix de s'établir dans la vitrine de la République fédérale pour la facilité qu'elle offre de pénétrer son pendant oriental. C'est au cours de ces incursions qu'il rencontre Birgit qui rêve de la liberté supposée du monde capitaliste. Elle en a un tel désir qu'elle abandonnera sa fille Svenja pour y accéder.
Malgré les promesses politiques d'un accueil sans restrictions, Birgit constate un hiatus entre les systèmes éducatifs qui ne lui permet pas plus qu'en RDA de se réaliser professionnellement. Bien qu'allégée des injonctions du système, Birgit se renferme sur le secret de l'enfant abandonnée et ses désillusions. Un désarroi que Kaspar ne découvre qu'à son décès avec notamment un testament qui l'incite à retrouver Svenja.
Malmenée dans son enfance, cette dernière est happée par la toxicomanie lorsque le frontière interallemande se délite. Une chute jugulée par un compagnon idéaliste qui rêve d'autonomie et d'exaltation de la grandeur allemande. Ils veulent transmettre ces valeurs à leur fille Sigrun, dépositaire de cette pureté. Une intégrité atteinte par les rencontres avec Kaspar, incarnation du monde réel.Kaspar wollte Birgit schildern, wie sie war. Er erzählte von ihrer Familie, von Leo Weise und ihrer Flucht, dann von ihrem Studium, ihren Berufen, ihrem Klavierspiel, ihrer Indienerfahrung, ihrem Einsatz für Natur und Klima und wie sie sich auf eines nach dem andern eingelassen und eines nach dem anderen wieder verabschiedet hatte. »Sie hat ihren Ort in der Welt nicht gefunden.«
S. 229
C'est sur cette trame incroyable que Schlink greffe sa fine observation de la société allemande, une nation traversée – comme tous les pays – par diverses tensions. La supériorité supposée de l'Ouest aggravant les fractures sociales que l'on préfère taire plutôt qu'affronter. Sans lien de sang avec les protagonistes, de surcroit libraire, Kaspar peut infléchir le parcours de Sigrun. En l'amenant à prendre du recul sur son environnement, il tente d'amener la jeune fille à assumer son indépendance.
L'auteur de Le liseur tient l'écrit comme un important facteur de construction de soi et les librairies comme des lieux d'accès à la pluralité des idées. Mais, contrairement à Sawako Natori, il fait reposer également cette ouverture sur l'interaction avec la diversité des humains.
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Stéphane Bussard pour Le Temps