D'où nous venons

Goshawank – Arménie


Schwarz Géraldine. D’où nous venons , ce qui nous unit, ce qui nous divise. Flammarion, 2024

[L'Europe] est fondée sur une histoire multi-millénaire, faite d'ombres et de lumière, qui a structuré et continue de structurer nos normes sociales et morales, nos concepts, nos institutions, nos mentalités et nos pratiques. Dans ce vaste passé nous pouvons puiser les clés et les repères qui nous manquent pour comprendre comment nous sommes devenus ce que nous sommes, d'où nous venons.

p.10

C'est en journaliste que Géraldine Schwarz évalue nos attaches européennes. Pour ce faire elle choisit trois grands axes qui représentent, selon elle, les idées structurantes des sociétés européennes : le christianisme, le capitalisme et la liberté (et non le libéralisme).
Avant que ces concepts ne prennent sens, les territoires méditerranéen et européen étaient modelés par la spiritualité, les échanges et la politique. Les traces de la pensée grecque, des empires romains et byzantins ou du monde viking restent perceptibles jusqu'aujourd'hui.
Cette analyse peut paraître un plaidoyer appuyé pour l'Union européenne même si l'auteure insiste sur les particularismes nationaux.

Si le mythe [des « invasions barbares »] perdure c'est aussi parce qu'il reflète nos propres angoisses contemporaines d'une décadence de la civilisation occidentale qui serait minée par des migrations et des métissages.

p. 37

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Géraldine Schwarz cherche, dans chacune des trois parties de son ouvrage, à s'émanciper de ces stéréotypes tout en soulignant la réalité d'une relation singulière de chaque état à l'Union européenne. L'intégration des pays issus du Pacte de Varsovie illustre le poids de l'histoire sur le développement d'une société. Un décalage que les généreux fonds de cohésion ne suffisent pas à réduire. Précipitée par l'aspiration des états est-européens à accéder au libéralisme économique et la hâte des pays occidentaux à mettre fin à l'hégémonie soviétique, l'adhésion à l'union est vécue douloureusement par les populations, simultanément la différence de culture politique pose de tels défis à la communauté qu'elle peine à maintenir un cap lisible.

À l'heure où de moins en moins d'Européens se définissent par leur appartenance confessionnelle, le facteur religieux reste pourtant très pertinent pour déchiffrer nos identités respectives. Même si les églises sont désertes et si l'athéisme gagne du terrain, les frontières religieuses continuent d'exister sous une forme sécularisée et ont un poids considérable sur nos particularités. Connaître nos traditions religieuses respectives, c'est apprendre à mieux comprendre nos différentes manières de sentir, de penser et de vivre.

p. 163

Comme la série du Cours de l'histoire, produit par Xavier Mauduit, consacrée à l'Histoire de France (voir encadré) le relevait, l'interprétation des faits du passé n'est pas immuable. Selon la situation sociale et économique du présent, l'attention des scientifiques se focalisera sur des dynamiques diverses. Par ailleurs, le faisceau de connaissances s'élargissant, les récits nationaux du XIXe siècle sont de moins en moins crédibles.

Dès le milieu du XVe siècle, l'Empire portugais d'Asie amorce son déclin sans que les profits coloniaux aient eu de véritables répercussions sur le développement économique du Portugal. En quelque sorte, les Portugais ont fondé leur Empire trop tôt pour tirer parti de cette opportunité unique. La plupart des pays européens, alors encore enracinés dans le Moyen Âge, auraient probablement adopté une stratégie similaire s'ils avaient été les premiers à arriver dans un environnement totalement inconnu.

p. 215

Par sa volonté de faire connaître les divergences qui naissent des diverses temporalités, l’auteure montre son optimisme pour le futur européen.

Site de l'éditeur

Écrire l'histoire de France – ou d'ailleurs
À l'heure de la contestation des sciences, en premier lieu de celles qualifiées d'humaines, cette série relève l'importance du contexte dans lequel la recherche a lieu pour expliquer les variations de l'interprétation des faits historiques.
Comment remettre le roman national dans le contexte de sa création pour permettre de le dépasser au regard des événements ultérieurs et de la société contemporaine ?
Malgré l'extrême diversité des recherches, les «intelligences» artificielles ont tendance à figer une interprétation surannée de l'historiographie des États-nations contre l'évidence de la dimension (inter)continentale des échanges et des acquis sociaux.

Écrire l'histoire de France – Le cours de l'histoire

Le podcast Paroles d'histoire consacré à l'actualité des livres, de la recherche et des débats en histoire traite, toujours de manière pertinente, de ce savoir en construction.