Stanislas Nordey

Qui a tué mon père, Lausanne, Théâtre de Vidy

Quand on parle d’un parent mort à la guerre, c’est une histoire que tout le monde peut entendre. Mais comment écrire la mort sociale d’un homme qui fait partie de ceux qu’on appelle les "exclus" ou ceux que les gouvernants nomment "les fainéants", et sur lequel les gouvernements successifs se sont acharnés ? Il y a des morts plus "littéraires" que d’autres.

Édouard Louis

La prestation de Stanislas Nordey, la déclamation du Qui a tué mon père d'Edouard Louis, est une performance qui renforce le propos du livre.
Porte-voix de l'auteur, Nordey est crédible tant dans la restitution des souvenirs de celui qui s'appelait encore Eddy Bellegueule que lorsqu'Edouard Louis souligne la responsabilité des politiciens dans l'exclusion de toute une classe sociale.
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En finir avec Eddie Bellegueule, publié à 22 ans, me paraissait un réquisitoire contre la figure paternelle. Ce texte, écrit quatre ans plus tard dans la perspective d'être mis en scène, sonne comme une réconciliation. Les humiliations subies sont dites, mais elles sont également contextualisées. La violence n'est plus ressentie comme essentiellement inhérente au milieu familial, mais davantage comme le moyen d'expression des ostracisés face au mépris des dominants.
La forme du monologue, encore accentuée par le fait que Nordey s'adresse à un mannequin, laisse croire que cette réconciliation n'est pas acquise. Mais le propos déterminant n'est-il pas d'amener les spectateurs à la réflexion sur les enjeux d'une politique sociale qui renforce les inégalités en aidant les premiers de cordée à atteindre des sommets et en laissant les autres dévisser ?

J'ai oublié presque tout ce que je t'ai dit quand je suis venu te voir, la dernière fois, mais je me souviens de tout ce que je ne t'ai pas dit. D'une manière générale, quand je repense au passé et à notre vie commune, je me souviens avant tout de ce que je ne t'ai pas dit, mes souvenirs sont ceux de ce qui n’a pas eu lieu.

p. 48



Entretien d'Alexandre Demidoff avec Stanislas Nordey pour Le Temps
Le site du Théâtre de Vidy
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