Le doit d'être suisse

Studer, B. Arlettaz, G., Argast, R. (2013). Le droit d'être suisse. Lausanne: Antipodes.

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Le Temps (du 7 juin 2014) nous apprend que le Parlement a repris son débat sur le thème de la loi sur la nationalité suisse initié en 2011. «[Alors] la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga part d’une intention louable. Elle veut simplifier la procédure, uniformiser les pratiques cantonales et exiger une meilleure intégration de la personne, en échange d’une réduction de la durée du séjour obligatoire avant de déposer une demande de naturalisation.»
L’ouvrage de Studer, Arlettaz et Argast éclaire l’évolution de ce débat dans la politique fédérale.
C’est la Constitution de 1848 qui introduit la notion de «Citoyen suisse», mais l’État laisse aux Cantons et Communes la compétence d’attribuer le droit de cité. En 1874, la révision du texte fondamental tend à intégrer la société suisse et introduit la notion de «nationalité».
Un des éléments moteur de la législation est la volonté politique de régler le problème des indigents : «les communes veillaient scrupuleusement à maintenir aussi bas que possible le nombre des personnes qui, en cas d'indigence, auraient droit à l'assistance de leur part. C'était surtout les étrangers pauvres et sans possessions qui n'avalent pas la moindre chance d'obtenir la bourgeoisie communale. (p. 56)»
Définir la nationalité, c’est faire référence à des valeurs communes. Dans un pays comme la Suisse, aux appartenances multiples, le débat est resté vif et influencé par la politique des pays limitrophes, en particulier par le concept de nation en France et en Allemagne, et par le contexte politique européen.

Aujourd’hui, la plupart de nos contemporains sont sans doute conscients du fait que le droit de cité peut être instrumentalisé en fonction d'intérêts politiques nationalistes, en faisant appel à l'émotion. En étudiant le passé, on constate qu'à différentes périodes différents acteurs se sont emparés de la question du droit de cité pour viser d'autres objectifs, plus ou moins proches. Cela ne veut pas dire, par ailleurs, qu'ils ne touchaient pas ainsi des problèmes réels et des craintes qui préoccupaient les gens.

À partir de quelle génération, un Suisse est-il vraiment considéré comme tel. La filiation est jugée primordiale par certains, mais celle-ci n’a longtemps valu que pour les hommes puisque les femmes étaient privées de leur nationalité lorsqu’elles se mariaient avec un étranger. Retrouver leur citoyenneté après un divorce n’était pas évident.

En 1910, le conseiller national Emil Göttisheim dénonce une dérive consistant à considérer que l'octroi de la nationalité suisse est une grâce pour laquelle l'étranger ne pourra jamais assez nous remercier»

Une constante du débat est le lien entre naturalisation et régulation de la population étrangère, même s’il apparaît que ce n’est pas un facteur efficace. Actuellement le débat se focalise sur l’égalité des chances d’accéder à la nationalité suisse, quelle que soit la Commune et le Canton de domicile. Certains considèrent cette tendance comme dangereuse puisqu’elle base l’obtention du passeport sur des critères objectifs, surtout administratifs.

Présentation sur le site des éditions Antipodes

Sur le même thème :
Piguet, E. (2013). L'immigration en Suisse: soixante ans d'entr'ouverture, (3e éd.) Lausanne: Presses polytechniques et universitaires romandes. site des PPUR