Les Balkans, le décor

GARDE Paul. Les Balkans. 1996. Paris : Flammarion Dominos n°35

[…] les amis sortaient de terre sous nos pieds: Il y a en Serbie des trésors de générosité personnelle, et malgré tout ce qui y manque encore, il y fait chaud. La France peut bien être – comme les Serbes se plaisaient à nous le répéter – le cerveau de l'Europe, mais les Balkans en sont le coeur, dont on ne se servira jamais trop.

BOUVIER Nicolas. L'usage du monde

Un ouvrage concis qui rend plus compréhensible la situation des Balkans à la fin du XXe siècle.
La première partie place le décor : une région divisée par le relief (
balkan désigne en turc une chaîne de montagnes boisées) dont les multiples parties sont mal reliées les unes aux autres, mais ouvertes sur la mer ou les pays limitrophes. Les relations de la Serbie, qui en est le centre, avec ses voisins sont au cœur des problèmes balkaniques.
La population éclatée linguistiquement (Grecs, Albanais, Slaves et Latins). religieusement (orthodoxes, catholiques et musulmans) et culturellement (influences vénitienne, autrichienne, ottomane et byzantine) se caractérise par son fort sentiment d'appartenance à un groupe humain, une ethnie. Nulle part les frontières ne coïncident avec les peuples ce qui explique la présence de minorités fréquentes aux limites des divers États. Ces minorités sont parfois plus nombreuses encore à l'intérieur des pays. A titre d'exemple, avant 1991, 42% des Albanais vivaient hors de «leur» État et les Bosniaques ne représentaient que le 44% de la population de Bosnie.
Le sentiment d'identité nationale est si fort qu'il est revendiqué par les émigrés et leurs descendants. Cette population, estimée aujourd'hui à 10 millions, joue un rôle important dans leurs pays d'origine, en particulier depuis la chute du communisme.
Couverture de Les Balkans Domino

A partir du XIVe siècle, les Balkans sont envahis par les Turcs. Quelques régions y échappent et sont sous la domination des Habsburg. La conquête ottomane cause dévastations et migrations massives qui mêlent irrémédiablement les populations.
Dès la fin du XVIIe, l'Empire ottoman reflue et au XIXe les nations chrétiennes se rebellent contre les Turcs; les pays sous contrôle autrichien s'émancipent également. En 1912 les royaumes de Serbie, du Monténégro, de Grèce et de Bulgarie s'allient pour combattre la Turquie. En 1914, la Bosnie annexée par l'Autriche-Hongrie et revendiquée par la Serbie, sert de détonateur à la Première Guerre mondiale. Grèce, Serbie et Roumanie, appartenant au camp allié, peuvent agrandir leur territoire, mais les tensions entre vainqueurs et vaincus sont si grandes que la démocratie n'y résiste pas. Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (en 1929, Royaume de Yougoslavie) est déchiré par les tensions internes dues à l'hégémonie serbe. Trois députés croates sont assassinés au Parlement de Belgrade en 1928; le roi Alexandre Ier est tué en 1934 par le mouvement extrémiste croate des oustachis.
Durant la Guerre, les Balkans sont pendant quatre ans sous domination nazie; les victimes serbes du régime oustachi sont vraisemblablement de 200'000 à 300'000. En Yougoslavie, la Guerre civile s'ajoute à la lutte contre l'occupant : les «tchetniks» s'opposent aux «partisans» de Tito. Le caractère multinational du mouvement communiste est un atout qui lui permet de libérer l pays et d'aider l'Albanie dans sa libération.
Fidèle à sa politique multinationale, Tito dote la Yougoslavie d'un régime fédéral avec six républiques et deux provinces autonomes qui dès 1974 jouissent d'une large souveraineté. Cependant à la mort de Tito les Serbes, mécontents de leur place dans la fédération, se plaignent d'être divisés en plusieurs entités et se sentent menacés par la population albanaise du Kosovo (80%), province dont ils suppriment l'autonomie en 1989.
L'ébranlement dû à la
perestroïka et la démocratisation subséquente entraînent l'éclatement de la Yougoslavie. Les communautés serbes s'opposent aux désirs d'autonomie. L'armée yougoslave, à majorité serbe, intervient et s'attaque successivement à trois républiques : Slovénie, Croatie et Bosnie-Herzégovine. Avant l'intervention de l'OTAN et les accords de Dayton, les morts se comptent en centaines de milliers et les réfugiés sont 2 à 3 millions.