Prévenir la violence : possible !

Favre, D. (2007). Transformer la violence des élèves : cerveau, motivations et apprentissage. Paris: Dunod.

La démarche empirique de Daniel Favre pour traiter de la violence en milieu scolaire a éveillé mon intérêt. L’originalité du parcours professionnel de l’auteur influence profondément son livre. Neurobiologiste, spécialiste du cerveau, il montre l’évolution du fonctionnement de cet organe dans la croissance de l’être humain et indique comment la violence peut s’installer dans ce processus, parasiter le développement et engendrer une dépendance (toxicomanie sans drogue).
Couverture de Transformer la violence des élèves
L’environnement a une influence sur cette évolution et Daniel Favre estime qu’un premier enjeu majeur de l’école est de parvenir à traiter les conséquences du non-désir d’apprendre des enfants dans une société où l’école ne remplit plus l’ancien contrat d’intégration sociale qui supposait qu’au terme de son parcours scolaire l’élève trouvait un emploi reconnu.
Pour remplacer la motivation que donnait cette perspective d’intégration, Favre propose de renforcer l’autonomie de l’élève en utilisant le “système de motivation d’innovation” qui prend progressivement le relais du “système de motivation de sécurisation” nécessaire à la satisfaction des besoins biologiques et psychologiques fondamentaux du petit enfant.
La neurobiologie nous apprend qu’en l’absence de cette stimulation intrinsèque, un autre mécanisme de motivation peut se mettre en place qui favorise les addictions et notamment les comportements violents. Cette forme parasitée de motivation fait que des adultes conservent des comportements adolescents. Dans la réalité de nos existences, c’est un dosage de chacun de ces types de motivation qui contribue à notre personnalité.
Dans ce contexte, l’auteur attache une grande importance à l’information des enseignants pour leur permettre de tenir compte de ces paramètres dans la relation pédagogique et dans la transmission des connaissances. Mais il ne néglige pas l’éducation des élèves et en particulier l’apprentissage d’un langage approprié qui use de toutes les formes de nuances pour exprimer le monde. Cette palette élargie aide également à exprimer ses émotions et à être davantage attentif à l’autre.
L’adulte peut agir aussi comme un modèle en ce qui concerne l’empathie et la décentration joue alors un rôle important. Cette attitude permet d’exercer une autorité, que les enfants et les jeunes demandent, mais de s’abstraire des relations de soumission et de domination qui lui sont trop souvent associées.

Se décentrant de soi, on considère alors que l’autre a de « bonnes » raisons (c’est-à-dire des raisons valables à ses propres yeux) de faire ce qu’il fait, de dire ce qu’il dit, de penser ce qu’il pense et de ressentir ce qu’il ressent. Cette cohérence postulée chez l’autre permet d’en avoir moins peur.


Dans sa pratique de formateur, Favre encourage à identifier très précisément la violence et, dans le cadre des établissements, n’hésite pas à dresser avec les enseignants des listes d’élèves ayant un comportement violent. Cet état des lieux permet de passer du sentiment paralysant d’une violence diffuse à une violence réelle sur laquelle on peut avoir prise. L’auteur dit même que ce travail collectif d’identification permet de développer la confiance réciproque parmi les enseignants.
Chacun, enseignant, personnel d’encadrement ou élève, joue un rôle dans l’établissement et contribue à apaiser ou aggraver les situations conflictuelles. De même, l’institution existe dans un contexte politique, économique et social qui influe sa dynamique propre. Favre souligne le rôle important des enseignants dans un climat scolaire favorable, mais reconnaît que les contradictions de la société contribuent à rendre leur travail plus complexe.

Site complémentaire au livre
Présentation de l’ouvrage aux éditions Dunod