Sez Ner

Arno Camenisch. Sez Ner. Éditions d’en bas, 2010

Dils scolasts sefidel jeu buca, di il signun cun egliada strentga. Ils scolasts ein retgs egl agen reginavel. Quei ei malsegir. Sco Pilatus stendan ei il det polisch ensi ni engiu. Culs scolasts hai jeu serrau giu, di il signun. El hagi giu in scolasts, nov onns il medem mazzacarstgauns, quel havevi en in tschoss alv e zuornavi ils affons sco vaccas. Quei truschasabientschas hagi bunamein scarpau giu in’ureglia ad el. Dapi lu sefidi el buca pli da quels cun tschoss alvs e vestgius ners.

Les instituteurs, je m’en méfie, dit l’armailli d’un air sérieux. les enseignants sont rois dans leur propre royaume. C’est dangereux. Tel Pilate, ils tendent le pouce vers le haut ou vers le bas. J’en ai soupé, des enseignants, dit l’armailli. Il avait eu un instituteur, neuf ans le même calöri, il portait une blouse blanche et frappait les enfants avec un bâton, comme des vaches. Il lui avait presque arraché une oreille. Depuis, il ne faisait plus confiance aux porteurs de blouse blanche et de costume noir.

Par la juxtaposition de petites scènes, l’auteur dépeint la vie d’alpage de quatre protagonistes dans la Surselva grisonne. L’intérieur de chacun de ces petits textes, le plus souvent quelques lignes aux phrases courtes, résonne de sonorités répétitives qui soulignent la perpétuation des gestes ancestraux de “l’alpager”.
Le rythme du récit est entrecoupé par l’irruption de la vie moderne, notamment avec la visite des touristes qui tentent de figer cette vie alpestre fragile dans leurs appareils photographiques. En écho à cette incursion de la vie citadine répondent les aphorismes du vieil almanach qui souligne la mainmise de l’Église sur la région.
Écrit en romanche
sursilvan et en allemand, le livre joue sur les complémentarités des deux langues, sur le jeu des sonorités propres à l’une ou à l’autre. La traduction française présentée sur la même page que les versions originales permet de découvrir certains apports romans et germaniques à cette langue encore utilisée dans de nombreux villages, par les jeunes locuteurs également.

Neblas sco batlinis memia gronds sestendan sur las collinas muntagnardas ora. Il tgamin dalla hetta dalla starlera fema. Davon hetta spel begl schai il tgaun. El begl schai la starlera. Ella streha al tgaun sul tgau vi. Il resti vid la corda da resti semuenta el vent.

Des nappes de brouillard glissent comme des draps immenses sur les pentes de l’Alpe. La cheminée du chalet de la bergère fume. Le chien est couché devant le chalet, à côté de la fontaine. Dans la fontaine, est couchée la bergère. Elle caresse la tête du chien. Sur la corde, la lessive danse dans le vent.

Le site de l’auteur
Présentation du livre par les Éditions d’en bas