Regards sur les personnes en situation de handicap

Plaisance, E. (2009). Autrement capables: école, emploi, société: pour l'inclusion des personnes handicapées. Paris: Ed. Autrement.

Le regard qu’une société pose sur l’Autre, qu’il soit étranger ou handicapé, révèle à bien des égards les valeurs qui la fondent. L’ouvrage d’Éric Plaisance fait un état des lieux de la situation des personnes en situation de handicap en France et de manière plus générale en Europe occidentale.
Au-delà des dispositifs législatifs en vigueur dans l’Hexagone, il montre l’évolution du regard de nos sociétés sur la différence, transformation qui se traduit de manière concrète dans le vocabulaire mais surtout dans l’évolution des pratiques d’insertion dans la société régulière d’un nombre croissant d’individus.
Cette inclusion met en évidence les courants qui parcourent notre société et Plaisance souligne comment les questions sociales (intégration sociale, intégration des migrants) influencent les relations aux handicapés et réciproquement. L’auteur indique également le rôle des associations de soutien dans l’évolution de notre perception du handicap. Les profondes mutations de notre environnement mettent en question nos repères et nous obligent à reconsidérer un monde conçu en termes binaires « normal / a-normal » dans lequel ceux qui s’écartent de la norme sont exclus.
couverture de Autrement capables
Droits de l’Homme, droits de l’Enfant, droits des Personnes handicapées autant d’étapes, dans les sociétés démocratiques, vers la reconnaissance de l’essence profondément humaine de chaque individu. Dans cette progression, des droits et des compensations ont d’abord été attribués en relation avec le handicap ; dans cette logique individuelle la personne ou ses représentants pouvaient se sentir réduits à la déficience dont l’individu était porteur. Actuellement, la tendance est davantage à considérer la personne comme discriminée par les barrières mises en place par la société d’où la généralisation de la dénomination « personne en situation de handicap ». On assiste également à une extension de la notion de handicap ; en France, la loi de 2005 inclut dans son champ d’application des dysfonctionnements en relation avec les apprentissage scolaires (dyslexie, dyscalculie,…). L’auteur s’interroge sur les conséquences de cette diversification, notamment en ce qui concerne les responsabilités propres des institutions dans la genèse de certaines difficultés infantiles, et particulièrement celles du système scolaire. (p. 26)
Cette évolution de la législation permet de manière générale l’amélioration de la prise en charge des enfants, mais la situation objective de handicap dans laquelle ils se trouvent renvoie trop directement aux “déficits” et aux “troubles” qui étiquettent le handicapé. Dans le monde de l’éducation les difficultés relationnelles, les difficultés émotionnelles, les difficultés d’apprentissages dont les causes sont très diverses (situations familiales, sociales, culturelles,…) sont généralement des problèmes réversibles qui les distinguent du caractère définitif que l’on associe au handicap. Pour éviter la stigmatisation, on préférera dire que l’enfant a des « besoins particuliers » et, de manière générale, on englobera le handicap dans les différentes formes de la diversité, notion qui renvoie à des valeurs d’égalité et de solidarité, même si, le plus souvent, elle n’englobe pas la dimension des inégalités sociales.

Intégration : opération par laquelle un individu ou un groupe s’incorpore à une collectivité, à un milieu.

Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert, édition 1985


La scolarisation régulière de tous les enfants est un objectif généralisé de l’ensemble des pays démocratiques.
Il s’agit d’accueillir la personne handicapée comme une personne ordinaire, tout en comprenant ses particularités et ses difficultés . (p. 91) C’est tout le défi qui se pose à l’école pour être inclusive. Après avoir mené une politique d’intégration, notamment des populations d’origine étrangère, qui était fortement assimilatrice, il convenait d’adapter le dispositif à l’accueil d’élèves en situation de handicap. Si le système pouvait espérer résorber les différences culturelles, il devait s’adapter à la réalité, souvent plus visible, du handicap. Alors que dans le processus d’intégration, l’individu tend à s’adapter à son milieu, l’accueil d’un handicapé suppose que l’environnement va devoir prendre en compte durablement la personne. Ce changement de perspective implique donc une remise en question des fonctionnements et permet une ouverture aux pratiques spécifiques du milieu spécialisé. Cette modification tend à favoriser l’utilisation des ressources par tous, élèves et enseignants.
L’insertion est porteuse politiquement, mais le soutien financier permettant la réalisation des promesses est généralement faible. L’intérêt de cet ouvrage réside dans son aspect concret qui indique les influences de la législation dans la vie des handicapés français et qui analyse les conséquences sociales et économiques pour ce pays.