Kurt von Hammerstein-Equord

Hans Magnus Enzensberger. Hammerstein ou l’intransigeance. Une histoire allemande. Collection Du monde entier, Gallimard 2010

Par la superposition de divers styles littéraires Enzenberger approche l’existence de Kurt von Hammerstein, un général allemand qui s’est opposé à Hitler. L’auteur dit « qu’il procède plus à la manière de la photographie que celle de la peinture ». Même sans être un travail scientifique, les citations de témoins, les rapports de divers services de renseignement ou les actes de résistance des membres de sa famille permettent d’éclairer le sujet de ce livre.
Le Général Hammerstein dédaigne le travail administratif à tel point qu’il est considéré comme paresseux, mais grâce à son esprit de synthèse il est également reconnu comme un éminent stratège.
Chef de la direction de l’armée de terre, le Baron Kurt von Hammerstein-Equord tenta de s’opposer à l’arrivée de Hitler au pouvoir en intervenant notamment auprès de Hindenburg. Démis de ses fonctions, il resta en retrait de la vie politique préférant la chasse aux activités politiques, mais ses liens avec l’armée ne sont pas pour autant rompus et il semble qu’il ait agi en sous main pour protéger les adversaires du Führer.

“Garder sa tête libre pour les grandes décisions”, telle était la devise de cet être magnifiquement paresseux, qui ignorait les compromis.


portrait de kurt von hammerstein sur wikimedia
Dans la République de Weimar les milices privées se livrent à des guerres d’influence et nationaux-socialistes et communistes tentent d’occuper le terrain alors que l’armée allemande multiplie les contacts aves l’Armée rouge pour se libérer des contraintes imposées par le Traité de Versailles. Dans ce contexte ambigu, Hammerstein a des contacts fréquents avec la Russie. Le communisme ne l’intéresse pas plus que le nationalisme germanique, ce qui n’est pas le cas de ses filles qui vivent de l’intérieur les luttes intestines du parti communiste allemand et les purges guidées depuis Moscou.
Les divers fronts opposés au fascisme étaient trop instables pour résister à la vague brune et les personnes clairvoyantes comme Hammerstein ne pouvaient qu’être victimes de la rhétorique d’une propagande qui plaçait l’Allemand dans le rôle de victime d’un complot. Empêcher la réalisation du Reich de mille ans, c’était prendre le risque de renforcer encore cette posture.
Enzenberger met en évidence la limite de l’action dans un contexte historique, où les forces d’opposition, notamment le KPD, n’étaient guère plus crédibles. En citant le fils du général, il décrit l’état d’esprit dans lequel Hammerstein vécut ses années : « Bien qu’il n’en ait jamais parlé, ce devait être épouvantable, pour lui, d’être là et de voir, les yeux grands ouverts, comme l’Allemagne était mise à mal sans qu’il pût rien y faire. »

Photographie : wikipedia