La nécessaire autorité

L’autorité expliquée aux parents. Entretiens avec Hélène Mathieu
Claude Halmos (2008). Paris : NiL éditions

La première phrase donne le ton : savoir dire non à ses enfants. La pédopsychanalyste et chroniqueuse Claude Halmos n’en reste pas là en soutenant la nécessité d’une autorité plus affirmée. Et elle ne craint pas de défendre qu’il existe de bonnes fessées ! Malgré ces affirmations qui ne sont pas dans le ton de l’époque, l’ouvrage ne défend pas une autorité à l’ancienne, instrument de soumission à l’adulte, mais insiste sur la nécessité de poser des limites pour permettre le développement de l’enfant. Par ce livre, Claude Halmos aimerait que les parents comprennent en quoi leur autorité est nécessaire.
Le déficit d’éducation actuel est souvent associé aux préceptes de Françoise Dolto : « l’enfant est un être à part entière », en oubliant que la psychanalyste a toujours affirmé que l’être en construction avait besoin des limites données par l’adulte pour se développer. Cet oubli est inhérent à la rupture de Mai 1968 et à l’évolution interne de la famille occidentale (familles recomposées, monoparentales, homoparentales,…). La contradiction avec l’enseignement de Dolto est pourtant évidente : l’enfant-roi, sans limites, n’est qu’un objet fétiche, adulé, mais pas le jeune humain sujet à part entière. Malgré sa valeur intrinsèque, l’enfant n’est pas un adulte et ne peut donc faire tout ce qu’ils font. Par ailleurs, les adultes n’ont pas tous les droits et l’un de leurs devoirs est d’assurer protection à leurs enfants, notamment par l’éducation…
Les discours politiques qui font volontiers rimer rigueur et horreur peuvent inciter les parents à considérer une seule alternative : le laxisme ou le dressage. L’auteure s’efforce de promouvoir une troisième voie. « L’éducation des parents a pour l’enfant la même fonction que leurs bras qui le soutiennent quand il ne sait pas encore marcher. Ils lui apprennent ce qu’il faut faire et l’obligent à le faire tant qu’il n’est pas encore capable de se l’imposer lui-même ». Les explications données à l’enfant, bien qu’essentielles, n’éviteront pas les rapports de force, notamment quand les parents exigeront de leur enfant qu’il respecte les règles qu’il connaît et le sanctionneront en cas de transgression.
Claude Halmos envisage l’éducation comme l’apprentissage de la civilisation et le combat de l’enfant contre sa sauvagerie (ses pulsions) qui lui permettra d’accéder à un statut de grand et de vivre en paix avec les autres. Cette lutte formatrice lui permettra de comprendre que chaque humain, aussi puissant soit-il, est confronté aux limites. L’éducation commence par les petites choses qui pourrissent la vie de nombreuses familles, comme être à l’heure à l’école et se préparer ainsi à respecter un horaire professionnel. L’auteure estime chaque parent capable de l’autorité nécessaire à se faire respecter, comme ils sont en mesure d’administrer un médicament en cas de maladie grave. Et lorsqu’elle affirme qu’un enfant qui grandit sans autorité n’est jamais heureux, on comprend pourquoi elle choisit cet exemple !
Couverture de L'autorité expliquée aux enfants
La pédopsychanalyste reconnaît que diriger la vie d’un enfant empêche de vivre chaque instant comme un moment de bonheur, d’autant que les conflits causés par l’opposition de principe de l’enfant ravivent les doutes de l’adulte sur la légitimité de son action et les craintes de faire faux. La peur du conflit est mauvaise conseillère et la recherche de négociation à tout prix absurde car chaque adulte devrait avoir intériorisé que dans certaines circonstances, il n’y a pas d’alternatives : lorsque le feu est rouge, l’automobiliste s’arrête. La transgression des règles appelle la sanction qui renforce le pouvoir des paroles lorsque c’est nécessaire. Le choix de la sanction est complexe et l’auteur en dessine les lignes en précisant qu’elle ne doit être ni violente, ni humiliante. Pourtant, dans certaines circonstances, Claude Halmos pense que la fessée ou la gifle sont les seuls moyens qu’une mère ou un père peuvent opposer à un enfant, ce qui exclut évidemment le recours systématique à cette punition. Le dialogue avec Hélène Mathieu sur ce thème illustre bien la complexité de la question de la sanction : il n’en existe ni de bonne, ni de mauvaise, mais c’est le contexte qui la légitime. Une fessée peut parfois être la seule réponse à la violence d’un enfant qui par son égocentrisme nie la présence de l’autre et le respect qui lui est dû.
La juste mesure est une question centrale dans l’autorité, son manque ou son excès sont des causes de maltraitance et Claude Halmos les considère comme un facteur important de délinquance.
Cet ouvrage n’est pas un livre de recettes, il ne dicte pas les bons et les mauvais comportements des parents, même s’il les encourage à considérer les conséquences à long terme de leur attitude éducative. Envisager l’éducation comme une tâche civilisatrice et intégrative lui donne une valeur supplémentaire, qui va bien au-delà des bonnes manières. Cette appréciation explique cependant que dans un contexte globalisant, l’éducation soit au centre des conflits culturels

L’année 2008 marque le centième anniversaire de la naissance de
Françoise Dolto et le vingtième anniversaire de sa mort. Le Monde y a consacré un dossier le 21 octobre 2008.
http://www.lemonde.fr/livres/article/2008/10/21/francois-dolto-lorsque-la-biographie-paraitra_1109369_3260.html#ens_id=1109452 [lien consulté le 26 octobre 2008]